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Parution du n° 48 - Luttes écologistes, une perspective mondiale

dimanche 19 janvier 2020, par EcoRev’

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Alors que l’urgence climatique concerne la planète entière, les mouvements contestataires – parfois clairement campés sur le front de la résistance écologiste – se multiplient un peu partout dans le monde mais demeurent dispersés et disparates. Même si la mise en réseau à l’échelle mondiale permet à ces mouvements, comme le mouvement altermondialiste a pu le permettre en son temps, de se reconnaître et d’échanger, ceux-ci peinent à faire système et à dessiner les contours d’une alternative au capitalisme mondialisé, cause première du malaise social et de la catastrophe écologique en cours.

Cependant, leur addition et le contexte même dans lequel ils surgissent nous donnent la possibilité de les analyser en regard du capitalisme mondialisé, et de poser les bases d’une action politique coordonnée à cette échelle. Car ce que soulignent ces réactions qui apparaissent a priori sans lien, c’est l’impuissance qu’ont les États de répondre aux problématiques soulevées en restant dans le cadre du système économique dominant.

Simultanément, l’urgence climatique comme conséquence du mode de production s’impose à une part toujours plus grande de la population mondiale : non seulement celle qui subit les dommages immédiats – les peuples indigènes d’Amérique latine, les populations riveraines des installations industrielles et minières d’Afrique du Sud, les victimes du dérèglement climatique au Mozambique, les migrants des terres côtières érodées par les océans (d’où le déplacement planifié de Jakarta, en Indonésie) –, mais aussi celle, parfois la même, qui fait le lien entre la casse sociale imposée par la loi du capital et les désastres écologiques en cours et à venir. La revendication d’une justice climatique à l’échelle mondiale cristallise cette prise de conscience.

C’est dans ce contexte d’urgence, que la jeunesse conscientisée – dont Greta Thunberg est à la fois protagoniste et porte-parole médiatique courageuse – commence à prendre la mesure de l’importance qu’il y a à agir et se mobiliser pour se faire entendre des institutions à travers l’« action directe » – comme disent maintenant les Anglo-Saxons à l’origine d’Extinction Rebellion – et le déclenchement des grèves pour le climat. C’est au niveau local et mondial que ces mobilisations prennent de l’ampleur et entrent en résonance avec d’autres luttes aux quatre coins du monde se réclamant, elles aussi, de la justice climatique : mobilisations et mouvements contre l’exploitation du lignite ou du charbon en Allemagne et en Afrique du Sud, contre les grands travaux d’infrastructure en Italie, France, Mexique et Bolivie (1) ou en général pour la défense du climat et des écosystèmes

Ce numéro met en lumière quelques-uns de ces mouvements et actes de résistance. En donnant la parole à des auteur·e·s de différentes parties du monde, il entend rendre compte de la multiplicité des formes sous lesquelles se déclinent les luttes et les perspectives écologistes à travers le monde – de manière consciente et affirmée ou non : défense de la « Terre-Mère » et du « Bien Vivre » (dans les Andes), vision non occidentale et postcoloniale de la nature (en Chine), défense de la santé et du cadre de vie (en Italie) et puis environnementalisme radical, écosocialisme, écologie sociale, écologie populaire, mouvement social local ou global, etc.

Le panorama ne pouvant être complet, ce numéro aura une suite.

Certes, comme mettait en garde André Gorz dans « Leur écologie et la nôtre » – un texte de 1974 que nous avions reproduit dans le numéro 0 d’ÉcoRev’ –, les pouvoirs en place pourront toujours

« détourner la colère populaire, par des mythes compensateurs, contre des boucs émissaires commodes (les minorités ethniques ou raciales, par exemple, les “chevelus”, les jeunes, etc.) et l’État n’assoira plus son pouvoir que sur la puissance de ses appareils : bureaucratie, police, armée, milices rempliront le vide laissé par le discrédit de la politique de parti et la disparition des partis politiques. Il suffit de regarder autour de soi pour percevoir, en France et ailleurs, les signes d’une semblable dégénérescence. Direz-vous que rien de tout cela n’est inévitable ? Sans doute. Mais c’est bien ainsi que les choses risquent de se passer si le capitalisme est contraint de prendre en compte les coûts écologiques sans qu’une attaque politique, lancée à tous les niveaux, lui arrache la maîtrise des opérations et lui oppose un tout autre projet de société et de civilisation. »

On peut augurer que le foisonnement des mouvements de contestation que nous présentons aide à préfigurer la possible mise en place d’une stratégie politique globale propre à permettre l’avènement d’une écologie politique se substituant à l’économie politique, permettant de sortir de la domination du capitalisme et de créer les conditions d’une sortie du productivisme.

La rédaction

(1) Allusion aux mobilisations No TAV dans le Val de Suse, zadiste à Notre-Dame-des Landes, anti-chemin de fer au Chiapas et anti-route dans le territoire indigène et parc national du TIPNIS en Bolivie centrale.