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Parution du n° 50 - Repenser le vivant à l’heure de la covid-19

lundi 15 mars 2021, par EcoRev’

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La crise sanitaire déclenchée par le SARS-CoV-2 à la fin de 2019 n’est qu’un épisode supplémentaire d’épidémies qui n’ont jamais cessé au cours de l’histoire, mais dont la recrudescence depuis quelques décennies (VIH, Ebola, SRAS, MERS, etc.) ne laisse d’inquiéter. Par son étendue planétaire et ses conséquences économiques et sociales considérables sinon par sa létalité, qui reste relative, elle va marquer durablement notre époque. Elle est aussi un symptôme des dégâts croissants d’un biopouvoir à l’emprise biosphérique. De sorte que les causes anthropiques de la diffusion du coronavirus ainsi que la gestion politique de ses effets sanitaires, avec son lot de confinements et de restrictions, ne manquent pas d’interpeller notre conscience écologiste et nos vies elles-mêmes.

De nos échanges en rédaction ont émergé alors plusieurs problématiques qui s’intriquent et se répondent : depuis la manière dont la pandémie vient à questionner notre rapport à l’espace et au temps, à la manière de nous rapporter au vivant, qui est la source même de la zoonose, jusqu’à la manière dont s’articulent les situations de crise qu’elles soient sanitaire, climatique, politique et, pour tout dire, capitaliste. N’y a-t-il pas matière à profiter de cet état des lieux complexe pour mettre en lien des thématiques qui ne révèlent leur fond que dans leur interconnexion ?

De ces questions trop souvent dissociées, du trouble qu’elles sèment en nous en ce temps suspendu, s’est dessiné peu à peu le cadre de ce numéro.

En partant notamment de différents points de vue au sein de notre rédaction, nous avons essayé de trouver un entre-deux : nous avons navigué entre, d’un côté, une réaction à chaud qui mobilise notre sensibilité individuelle mise à mal par les cassures relationnelles et affectives imposées – dans le cadre toujours problématique d’un « état d’urgence » – par les mesures de « distanciation sociale » (au sens strict), et, de l’autre, une réflexion critique sur les zoonoses, le savoir scientifique et expert, et les implications de la gestion économique et politique du monde actuel, qui aide à comprendre ce qui arrive et qui pousse vers l’avant. Comme si nous tentions de faire le lien entre ces événements, nos bagages de pensées de l’écologie politique et un mouvement émancipateur qui dégage de ce moment singulier un éventail des possibles.

L’optique que dessine ce numéro est donc double. Il s’agit de « repenser le vivant à l’heure de la covid-19 » et, comme le dit une autrice, de « transformer nos prisons quotidiennes en force politique ».

Le coronavirus et les situations d’urgence qui l’accompagnent auront eu au moins le mérite de mettre au jour la responsabilité des humains aussi bien dans sa diffusion que dans sa létalité. D’une part, en amont, parce que les zoonoses contemporaines sont proprement créées par l’activité humaine à travers la déforestation qu’entraîne le commerce international de produits tropicaux (huile de palme, bois précieux, etc.), probablement la présence d’animaux sauvages sur les marchés (pangolins, civettes, singes), l’élevage animal intensif (porcs, volailles, visons, etc.) et la circulation mondiale des humains. Pour ajouter une touche de pessimisme, il y a aussi à craindre que le réchauffement climatique du Capitalocène ne libère pas du permafrost sibérien que du méthane, mais des virus pathogènes inconnus. Il y a belle lurette que le capitalisme s’est approprié la nature comme un facteur essentiel
de la valorisation, mais maintenant les pratiques néolibérales n’arrêtent pas d’accentuer l’entreprise destructrice qu’il mène sur le vivant.

D’autre part, en aval, la létalité de la covid-19 a mis en évidence l’effet désastreux des politiques néolibérales de santé publique qui coupent dans les budgets, suppriment des emplois et « restructurent » les hôpitaux. De surcroît, il est apparu que la dangerosité du virus l’était d’autant plus si associée à des pathologies chroniques qui sont bien souvent liées aux conditions et aux modes de vie que nous subissons, telles que l’hypertension, l’obésité, le diabète, les troubles cardiovasculaires, les difficultés respiratoires, le cancer.

Voilà pourquoi nous prêtons attention dans ce numéro aux aspirations qui prennent appui sur la situation actuelle pour penser, au-delà de relocalisations productives nécessaires, la relocalisation conviviale de nos vies, leur réorganisation non seulement spatiale mais temporelle à l’aune des expériences locales de coopération et de revenu universel. Un enjeu politique qui nous semble correspondre à la fois aux diverses urgences et aux aspirations existentielles que nous tâchons de faire mûrir à ÉcoRev’.

Enfin, par un article et des recensions, nous rendons un hommage discret à trois auteurs disparus récemment qui ont apporté une contribution essentielle à la pensée critique de notre époque : Bernard Stiegler, David Graeber et Erik Olin Wright.

La rédaction