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L’altermondialisation, 7 ans de réflexion et d’actions

2006

Sept ans après le contre-sommet de Seattle - qui peut être considéré comme la mobilisation fondatrice de la mouvance altermondialiste (avec l’insurrection zapatiste de 1994) - l’altermondialisation reste une nébuleuse rassemblant des mouvements et courants politiques très divers : syndicats, ONG, mouvements politiques, courants écologistes, l’organisation ATTAC, des franges autonomes et anarchistes, ainsi que des militants nouvellement arrivés au militantisme. Cette variété politique fait d’elle un mouvement de mobilisation contestataire (au répertoire d’actions très varié) autant qu’un "think tank" politique et militant. Les réels succès politiques obtenus par les altermondialistes se retrouvent ainsi dans ces deux champs d’action.

– Côté mobilisation, les altermondialistes ont mis la pression sur les sommets de l’OMC, de l’Union européenne et du G7/G8 (entraînant la mort du militant Carlo Giuliani à Gênes en 2001)... Avec toutefois quelques bémols à ces succès altermondialistes, comme la participation du mouvement (pourtant massive) aux mobilisations contre la guerre en Irak qui n’a pas empêché l’intervention états-unienne, ou encore son engagement contre la libéralisation du commerce des services qui n’a pas été fructueux.

– Côté "boîte à idées", les altermondialistes ont sans doute favorisé l’inscription à l’agenda international de problèmes politiques (l’annulation de la dette des pays les plus pauvres ou la question du développement, par exemple). Il s’est même trouvé quelques apôtres pour défendre les impôts mondiaux, tel le président brésilien Lula... et des initiatives plus inattendues : le projet de taxe lancé par Jacques Chirac sur les billets d’avion pour financer la lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose ne va-t-il pas lui aussi dans le sens des idées altermondialistes ? Quant à la taxe Tobin (proposition de l’organisation ATTAC), elle reste pour l’heure sur le carreau : en Europe, seule la Belgique l’a adoptée symboliquement, en attendant son extension plus qu’hypothétique à l’eurozone.

Autre pan important du mouvement altermondialiste, l’organisation régulière depuis 2001 (Porto Alegre) de forum locaux, continentaux et mondiaux leur permettant de renforcer les réseaux militants et de les insuffler là où ils étaient quasiment inexistants (en Afrique et en Asie notamment). Ces grands-messes ne font toutefois pas l’unanimité au sein de la nébuleuse altermondialiste, les moyens d’action restant très liés aux tendances politiques et à la radicalité des altermondialistes. La diversité du mouvement qui a longtemps fait sa force reste en effet source de profondes divisions. La présence en son sein de militants engagés dans des organisations traditionnelles et préexistantes à l’altermondialisation (syndicats, partis politiques) entraîne de plus en plus cette frange de l’altermondialisation à investir des champs d’action nationaux (échelon peu investi par les altermondialistes) et surtout la politique considérée comme traditionnelle, au détriment de la politique plus sulfureuse des contre-sommets (voire par exemple l’attachement de l’organisation ATTAC à la question du "Traité établissant une Constitution pour l’Europe", et parallèlement son absence remarquée au contre-sommet de Gleneagles en 2005). Cette évolution d’une posture de contre-pouvoir (anti-mondialisation) vers une institutionnalisation grandissante et une position plus réformiste (altermondialisation) n’est pas du goût des franges altermondialistes les plus radicales. Le mouvement perd ainsi à leurs yeux de la "pureté" que lui conféraient l’apparente nouveauté de l’altermondialisation et son champ d’action contestataire. L’écart semble alors se creuser entre les courants lobbyistes (ONG), traditionnels (ATTAC) et plus radicaux (réseau Dissent, anarchistes, autonomes, etc.). Les sommets du G8 en Russie (2006) et en Allemagne (en 2007) seront un indice intéressant de la vitalité et de l’unité du mouvement altermondialiste.