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Coopaname : créer son emploi dans une entreprise partagée.

vendredi 3 octobre 2008, par EcoRev’, Stéphane Veyer

Souvent connues au travers des SCOP (sociétés coopératives de production), ou par le biais des diverses coopératives (agricoles, de consommateurs, d’épargne) -qui ont parfois laissé en chemin le fond de leur projet collectif-, les entreprises coopératives se développent aussi dans de nouvelles formes qui mettent en question l’organisation du travail. Prise comme un moyen de mutualisation, voire de sécurisation, l’entreprise coopérative peut être portée par des salariés, et même par des créateurs d’activité (entrepreneurs individuels), qui se rassemblent pour se donner un cadre collectif et des droits sociaux.
Stéphane Veyer est le gérant de la CAE Coopaname [1] qui compte aujourd’hui plus de 250 de ces entrepreneurs salariés en Île-de-France. Pour lui, le mouvement coopératif -qui s’est historiquement constitué comme "un projet spécifique d’émancipation de l’Homme par le travail"-, pourrait être une solution d’avenir. Et les CAE, en créant un cadre nouveau dans lequel chacun conserve son outil de travail tout en bénéficiant d’un collectif, permet de dépasser quelques unes des contradictions qui apparaissent crûment entre emploi (salarié) et entrepreneuriat (libéral), tout en répondant à ce vieux désir, né après la Révolution industrielle, de "se ré-approprier son outil de travail, de pouvoir gérer en commun et de tirer pour soi les fruits de son travail".

écoRev’ - A-t-on des exemples de succès de coopératives qui fonctionnent ?

Stéphane Veyer - Sur le plan du succès économique, il y a des grandes entreprises -et même des groupes- qui fonctionnent parfaitement bien aujourd’hui, et qui ont des succès économiques réels. Le principal exemple, en France, c’est le groupe Chèques déjeuner, c’est une coopérative de production, une SCOP (société coopérative ouvrière de production) ; on peut en citer d’autres. Dans la presse, Alternatives économiques ou le Courrier picard sont des SCOP, le Théâtre du Soleil est une SCOP, les taxis Alpha sont une SCOP, les auto-écoles ECF… Il y a pas mal de SCOP.
Et puis à l’étranger, si on peut jeter un coup d’œil au-delà des Pyrénées, le grand groupe et la grande entreprise coopérative aujourd’hui dans le monde, c’est le groupe Mondragon, qui est au Pays Basque, c’est un groupe de 70000 salariés qui est à l’origine des marques Fagor dans l’électroménager, qui a racheté Brandt il n’y a pas très longtemps. Donc, c’est vraiment quelque chose d’assez gigantesque, tout à fait concurrentiel et comparable à des grands groupes capitalistiques classiques.

Qu’est-ce que ça signifie, d’être une coopérative aujourd’hui ? Est-ce que ce n’est pas souvent un simple supplément d’âme ?

D’une certaine façon, c’est vrai qu’une coopérative est économiquement souvent une entreprise comme toutes les autres, qui produit des biens et des services, qui essaie de les vendre, qui est sur les marchés concurrentiels, comme toutes les autres entreprises. Aujourd’hui, une coopérative de production, c’est une entreprise -une SARL, ou une SA-, avec cette grande particularité que son capital est détenu majoritairement par ses salariés. Mais le fait que l’entreprise soit la copropriété de ses salariés change un peu tout, parce que l’entreprise doit tourner pour satisfaire un besoin essentiel de ses salariés, qui est d’avoir un outil de travail et de pouvoir gagner sa vie avec. Donc, c’est plus qu’un supplément d’âme, parce qu’il y a aussi le projet politique de la coopération, de l’économie sociale en général, qui est d’essayer d’émanciper l’homme par le travail, et d’essayer d’établir des règles démocratiques dans le fonctionnement de l’économie et de l’entreprise.
Une coopérative doit être rentable, évidemment, sinon elle n’existe plus. Mais la rentabilité et le succès économique, c’est le moyen, et uniquement le moyen. La recherche de rentabilité -et donc de profit- est là pour arriver à quelque chose d’autre, qui est de bien faire gagner leur croûte aux gens qui travaillent à l’intérieur. On est donc -au moins dans les principes- dans une véritable interversion, par rapport aux entreprises qui recherchent absolument la quête du profit parce qu’il y a des actionnaires à satisfaire, et qui pour ça utilisent les ressources humaines.

Une coopérative ne peut-elle pas avoir d’actionnaires ?

Elle est structurellement constituée de la même manière, c’est-à-dire qu’il y a un capital social, avec des parts sociales qui sont distribuées aux salariés, aux sociétaires et aux associés, qui détiennent majoritairement ce capital. La différence, c’est que si je travaille dans une entreprise et que je détiens majoritairement le capital, a priori cette entreprise ne délocalise pas -on ne se tire pas une balle dans le pied soi-même-, elle ne cherche pas à m’exploiter, elle ne cherche pas à faire du profit sur de la vente ou de la revente d’actions. Et puis, le capital social que je possède, je ne l’ai pas pour essayer de faire un profit dans une optique de bascule au moment d’une revente ; je l’ai pour consolider un outil de travail que je me donne en commun avec les autres sociétaires.
Depuis quelques années, il y a une part du capital qui peut être ouverte à des sociétaires extérieurs ; ceci afin de permettre aux SCOP de se développer, de trouver des capitaux dont elles ont besoin quand elles se développent. Donc, on peut accueillir des actionnaires extérieurs, mais ils restent toujours minoritaires, tant en voix qu’en capital. Et enfin, on ne peut pas racheter une coopérative. Une SCOP peut fusionner avec une autre, mais une société capitaliste ne peut pas racheter une SCOP.

Dans une coopérative, qui est le patron, le chef ?

Ce qui est intéressant dans ce système, c’est de pouvoir distinguer ce qui tient de la responsabilité et ce qui tient du pouvoir ; et ce n’est pas tout à fait la même chose. Le patron, dans une SCOP, n’est pas celui qui détient la majorité du capital, ou qui a été nommé par un conseil d’administration ; il est un salarié parmi les autres, qui a été élu par les salariés associés pour endosser cette responsabilité : de gérance, dans une SARL, de présidence, dans une SA. Et il est responsable devant eux. C’est pour ça que je parlais de démocratie. Et la coopération, c’est aussi une tentative pour essayer de faire entrer ce Liberté-Égalité-Fraternité dans le monde économique ; ça paraît sans doute un peu grandiloquent, mais je crois que c’est bien le projet d’origine, d’essayer de démocratiser le monde de l’entreprise : "Je suis dans une boîte, j’y travaille, j’y ai du capital, et quelque soit mon rôle, mon ancienneté, ma fonction, et quelque soit le nombre de parts de capital social que je possède, j’ai une voix et les responsables de l’entreprise on les élit ensemble".

On a du mal à s’imaginer que certaines banques qui sont officiellement coopératives ne sont pas comme les autres grandes entreprises capitalistiques...

Elles peuvent le devenir et ça a même été une tentation forte. L’histoire coopérative, c’est un mouvement de balancier perpétuel, dans lequel on passe par des phases de fort développement de la forme coopérative et de la revendication de son projet politique et des phases de retournement de balancier où les coopératives se mettent à fonctionner plus ou moins comme des entreprises capitalistes normales, et oublient ce projet. On est sans doute dans une phase où on revient à ce projet politique.
Je me souviens qu’il y a encore une quinzaine d’années, c’était incongru pour la plupart des sociétés mutuelles et d’assurance de revendiquer haut et fort le statut de mutuelles. Au contraire, il y en avait beaucoup qui souhaitaient s’en débarrasser pour pouvoir mieux concourir sur les marchés financiers avec les sociétés d’assurance classiques, au niveau européen, notamment.
Et puis, si on écoute bien les messages publicitaires de ces derniers temps, on se rend compte que la MAIF est devenue un "assureur-militant", que la MACIF communique là-dessus aussi, que le crédit coopératif communique beaucoup dans ce sens aussi…
Il y a sans doute une ré-appropriation -depuis 5 ans à peu près- des valeurs coopératives par certains grands groupes, qui sont coopératifs et qui réaffirment -au moins en termes de marketing - ces spécificités et ces valeurs.

C’est un peu comme pour l’écologie et le green business, ça revient à la mode ?

Oui, sans aucun doute. Il y a peut être quelque chose qui revient comme un énième contre-coup de la chute du mur de Berlin. La coopération, comme le capitalisme et comme le marxisme, sont nés et se sont développés peu ou prou à partir de la Révolution industrielle et n’ont jamais cessé de cohabiter. Et la coopération s’est historiquement souvent trouvée coincée entre ces deux mastodontes qu’étaient le marxisme et le capitalisme. La "chute" de systèmes marxistes a laissé un grand vide, et il y a beaucoup de gens qui essaient de trouver une alternative au seul grand mastodonte restant qui s’est imposé depuis quinze ans, qu’est le capitalisme libéral.
Donc, on cherche, il y a beaucoup de gens qui cherchent. Et en cherchant, on redécouvre la coopération au détour du chemin, parce que ça existe depuis longtemps et ça réapparaît sous des formes qui sont diverses… Par exemple le commerce équitable ; dans sa structuration, c’est une réinterprétation et une remise en forme de la coopération. On voit aussi les personnes qui réfléchissent et pensent développement durable qui se disent que ce type d’entreprise et d’organisation économique est particulièrement bien adapté à ces problématiques et à des logiques de pensées qui vont dans ce sens.

Pour le moment que représentent les coopératives ? A Coopaname, par exemple, en Île-de-France, combien avez-vous de coopérateurs ?

Le poids de la coopération, c’est à la fois énorme et c’est très peu… C’est énorme, parce quand on fait le compte des gens qui sont sociétaires de mutuelles, tous ceux qui ont un compte bancaire et qui sont sociétaires d’une banque coopérative, tous les gens qui participent de près ou de loin à une coopérative agricole, ou de consommateurs… On arrive alors à des chiffres qui sont énormes. Simplement, 90 % de ces personnes n’ont pas conscience qu’être sociétaire dans ce type d’entreprise c’est aussi la possibilité de participer à un projet qui est différent, avec des droits, des devoirs et une capacité d’action politique. Et là, l’écart est énorme, entre ce que ça représente nominalement et la réalité en termes de conviction de participer à un projet politique différent, qui elle est relativement peu répandue.
Nous, à Coopaname, on existe depuis début 2004, et l’entreprise elle-même grandit très vite : elle compte aujourd’hui plus de 250 personnes. Je crois que ça répond aux aspirations de beaucoup de gens, de vouloir travailler ensemble, différemment. Et d’essayer de concevoir l’entreprise et l’économie de manière différente.

Les coopératives, c’est aussi une façon nouvelle de créer des activités. Votre coopérative, Coopaname, accueille en fait des gens qui créent leur activité...

Les Coopératives d’activité et d’emploi, c’est une nouvelle forme de coopérative, qui existe depuis une dizaine d’années maintenant. Le principe est assez simple, il s’agit d’offrir une alternative à la création d’entreprise classique, individuelle, notamment, pour tous les gens qui ont envie de se mettre à leur compte. Il y en a aussi qui y sont contraints parce qu’ils se retrouvent, à un moment de leur vie, privés d’emploi et on leur on a fait comprendre que s’ils n’ont pas d’emploi, ils n’ont qu’à se le créer tout seul. Je crois que c’est une opinion qui s’est répandue massivement dans les milieux politiques et institutionnels, et c’est devenu une sorte d’évidence pour beaucoup de monde.
La statistique de la création d’entreprises augmente en flèche depuis des années et tout le monde s’en félicite en se disant que c’est de la dynamique économique et que c’est formidable. Mais ce que l’on voit, c’est que c’est surtout de la précarisation sociale. Quand un chômeur de 45 ans décide de lancer sa petite boîte, c’est considéré comme formidable… Mais ce qu’on oublie de lui dire, c’est qu’il aura une micro entreprise, des micro crédits, et qu’il aura des micro revenus et des micro droits sociaux ; voire plus rien. Et ça, on ne le dit jamais.

Avec Coopaname, on est parti de ce constat, avec une idée très simple qui est de : proposer à des gens qui veulent créer leur emploi et se mettre à leur compte -plutôt que de créer leur petite entreprise dans leur coin-, de venir, avec leur activité et leur savoir-faire, créer leur emploi salarié dans une entreprise qu’ils partagent. C’est ça, la coopérative d’activité et d’emploi. On se retrouve aujourd’hui à 250, avec tous des activités différentes, dans l’artisanat, dans le conseil, dans l’informatique, dans la coiffure, dans le commerce, dans l’élagage… _ Et toutes ces personnes, à la place de posséder leur petite entreprise dans leur coin, font entreprise commune, se salarient et peuvent se donner collectivement les droits, le système de protection sociale, la sécurité et parfois les opportunités d’affaires qu’ils ne pourraient pas avoir s’ils étaient travailleurs indépendants.

Une CAE, c’est être un peu son propre patron, avec d’autres...

On est en train de créer progressivement quelque chose qui est -je ne dirai pas un statut- mais un rôle d’entrepreneur salarié, avec des gens pleinement entrepreneurs, avec leur marque, leur service et leurs client. Et leur salaire, ils ne se le paient qu’exclusivement avec le chiffre d’affaire qu’ils réalisent et avec rien d’autre. Ils sont donc pleinement entrepreneurs mais sont par ailleurs pleinement salariés ; c’est-à-dire qu’il y a un vrai contrat de travail, il y a un lien de subordination qui existe, qui est complètement différent de celui que l’on trouve dans une entreprise classique, mais qui est réel. Juridiquement, il y a bien un responsable. En l’occurrence, à Coopaname, c’est moi, le gérant. Donc, il y a bien une responsabilité, simplement on est dans quelque chose d’assez original puisque ce lien de subordination est choisi. On a affaire à des personnes qui pourraient être travailleurs indépendants, en libéral, et qui choisissent volontairement de se subordonner dans un cadre collectif de manière à pouvoir bénéficier d’une protection collective.

Quel genre de décisions peuvent être prises, et comment se prennent-elles ?

Si je prends l’exemple de Coopaname, c’est un chantier permanent. Au fur et à mesure que nous grandissons, on se lance dans des projets nouveaux pour essayer de se donner des droits supplémentaires, de la sécurité complémentaire ; par exemple réfléchir à comment se donner une mutuelle, ou à la mise en place d’un accord d’intéressement, d’une représentation du personnel… C’est du boulot, ça prend du temps, mais c’est très enrichissant pour tout le monde, et au final ça permet de protéger tout le monde.
L’instance de décision, c’est l’ensemble des sociétaires de la coopérative. Tous les sociétaires sont des salariés de la coopérative, mais tous les salariés ne sont pas sociétaires car l’on n’oblige pas quelqu’un qui arrive à prendre des parts de la coopérative pour devenir sociétaire. Puis il y a une gérance, une direction, qui est élue et choisie par ce groupe de sociétaires.
Maintenant, dans le quotidien de la vie de la coopérative, les décisions sont prises ensemble et de manière très démocratique. Pour cela nous organisons mensuellement des réunions au cours desquelles nous débattons de tout ce qui concerne la coopérative et prenons les décisions qui s’imposent.

Quels sont les avantages concrets de ce statut d’entrepreneur salarié ?

Pour résumer, les avantages de ce système pour quelqu’un qui veut se lancer, c’est d’abord de ne pas être tout seul -ce qui n’est pas négligeable- et d’être accompagné ; de pouvoir trouver des ressources pour le développement de son activité, à l’intérieur de la coopérative, en termes de réseau, ou de ressources. On organise des formations, mais aussi des journées d’apprentissage mutuel, sur l’informatique, par exemple, avec des compétences dans la coopérative.
Un deuxième avantage, c’est qu’on peut complètement se concentrer sur ce qu’on a à faire, c’est-à-dire chercher des clients, pour gagner sa croûte et vivre avec. Toutes les questions juridiques, d’assurance, administratives, fiscales ou sociales, sont mutualisées à l’échelle de Coopaname. Quand je sais élaguer, j’élague, et je ne fais pas la déclaration de TVA ou d’autres choses comme ça ; ce sont des spécialistes qui le font… Et donc on mutualise les compétences aussi de cette manière-là.
Troisième gros avantage, ça sécurise : c’est un contrat salarié qui dure (CDI) et qui me laisse le temps d’apprendre progressivement tout ce que j’ai à apprendre pour exercer ce métier d’entrepreneur -parce que c’est un métier aussi-. Et puis, ce que je me paie, c’est bien de la protection sociale salariée, au final.

C’est assez bien adapté à de l’immatériel, à cette forme de "capitalisme cognitif" dont on parle...

Oui en effet. Il y a beaucoup de métiers qui tournent autour des nouvelles technologies, ou des prestations de service. Mais pas seulement. On retrouve aussi des artisans, au sens presque traditionnel du terme, c’est-à-dire des gens qui savent faire quelque chose avec leurs mains et n’ont pas forcément les bons diplômes, qui ne savent parfois pas lire ou écrire, ou pas bien. Mais ils savent faire quelque chose. Et dans une coopérative d’activité et d’emploi, ils peuvent se créer un emploi stable et pérenne, salarié, dans la durée, dans une entreprise qui est la leur. Alors que le circuit de la création d‘entreprise classique, de l’artisanat classique, leur est fermé ou très difficile d’accès.

Cette façon d’être entrepreneur et salarié, c’est un peu de l’individualisme mis en commun...

C’est une articulation entre de l’autonomie et de l’interdépendance, que l’on substitue à la dépendance pure et simple, ou à l’indépendance complète. Avec un système de coopérative, et pour les CAE, on essaie de dépasser ces contradictions et d’aller vers quelque chose qui est un contrat social dans l’entreprise. On renonce à quelques prérogatives de travailleur indépendant, mais on y gagne une autonomie, une intelligence collective et une sociabilité.
Et puis, autour -sans doute le monde économique est devenu une jungle-, les entreprises sont en train de devenir plus prédatrices vis-à-vis de leurs propres salariés. Elles sont de plus en plus des lieux de grande féodalité. Au départ, nous nous adressons à des créateurs d’entreprise. Mais je constate que sociologiquement on a aussi de plus en plus de personnes qui viennent nous voir alors qu’elles sont salariées dans une entreprise et qui nous disent "j’en ai ma claque, je m’en vais, et mon prochain emploi salarié c’est chez vous"… C’est un phénomène nouveau, mais qui correspond aux aspirations de pas mal de gens, d’essayer de penser l’entreprise différemment, et d’essayer de penser le travail différemment.

Ce système d’entreprise coopérative, n’est-ce pas aussi un changement au niveau des relations sociales du travail, au sens marxiste du terme ?

Je crois que c’est une ambition cachée, que l’on a tous, qui est plus ou moins explicitée, plus ou moins exprimée, voire consciente chez les gens. Mais c’est bien ça. Ce projet vise à reconstituer du social, de la force collective et de la relation de convivialité, là où il n’y en a plus parfois dans l’économie et l’entreprise individuelle.
Par exemple, quand on est 250 entrepreneurs dans la même boite, rien n’interdit à des personnes qui se rencontrent à l’intérieur de cette entreprise de s’associer à un moment, pour répondre à un appel d’offre en commun, ou pour démarcher un client ensemble. C’est quelque chose qu’ils ne peuvent pas toujours faire quand ils sont tout seuls, pour accéder à des marchés auxquels ils n’ont pas accès habituellement. Là, ils peuvent le faire de manière très souple et très simple, en s’associant pour un moment et en travaillant ensemble, pour apprendre aussi les uns des autres…
C’est un petit peu le projet d’une entreprise rêvée. Il y a des choses qui sont bien dans une entreprise : la mutualisation de charges, la convivialité, les échanges, tout ça n’est pas mal. Au fond, on essaie de reconstruire une entreprise là où il n’y en a plus, en prenant ce qu’il y a de bon dans l’entreprise.

Propos recueillis par Erwan Lecoeur.


[1Voir le site de cette Coopérative d’Activité et d’Emploi : http://www.coopaname.coop/