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Peut-on être radical et pragmatique ? ; Le capitalisme est-il indépassable ? ; La décroissance est-elle souhaitable ? ; Les années 70, un âge d’or des luttes ?

Textuel, 2010, 9,90 euros

vendredi 23 avril 2010, par Jérôme Gleizes

Textuel vient de lancer une nouvelle collection, à bas
prix, très prometteuse, "petite encyclopédie
critique". Chaque auteur, partant d’une question
politique pertinente, interroge la littérature avec le
plus souvent une bibliographie très riche, pour
dépasser la question initiale.

Ainsi, Irène Pereira interroge les débats historiques
très controversés entre Proudhon, Marx et
Bakounine. Rappelant l’opposition théorique et
politique de ces auteurs, du léninisme et du syndicalisme
révolutionnaire, elle remet au goût du jour
le pragmatisme de Dewey. Loin, d’être un aveu
d’impuissance, elle montre la puissance intellectuelle
et l’exigence politique du pragmatisme
tout en restant radical. Le léninisme, mais aussi le
trotskisme, en donnant les pleins pouvoirs à la
direction du parti, par souci d’efficacité, a échoué
dans sa révolution car contrairement au pragmatisme,
les fins ne justifient pas les moyens. Au
contraire, Dewey refuse "l’idée que la lutte des
classes implique nécessairement une guerre des
classes, c’est-à-dire une guerre civile. (..) La transformation
de la société passe par des
expérimentations collectives qui remettent en cause
les dualismes sociaux entre le privé et le public." Il
y a une continuité entre toutes les formes de l’action
collective, entre les activités intellectuelles et
militantes. Irène Pereira montre qu’aujourd’hui, les
mouvements sociaux révèlent un "un nouvel esprit
pragmatique". La seule chose que nous pouvons
regretter est l’absence d’analyse de l’écologie
politique alors que celle-ci se retrouve dans cette
notion de radical-pragmatisme. Mais en même
temps, l’écologie politique manque d’exigence
théorique.

Dans un autre style, Cédric Durand a écrit un remarquable
livre pédagogique sur le capitalisme.

Sortant des analyses superficielles qui ne définissent
pas leur objet d’étude, il commence par définir le
capitalisme comme un système socio-économique
historique qui succède au féodalisme, qui a la
planète comme horizon, un "système orienté vers
l’accumulation illimitée du capital." Nous pouvons
regretter que dans la première partie d’analyse, il
écarte trop rapidement la notion d’empire et de
multitudes. Car ainsi, il écarte trop rapidement la
nouvelle forme de subsomption du travail au capital,
la mobilisation totale. Dans une deuxième partie,
Cédric Durand analyse la crise actuelle du
capitalisme en écartant pas la question écologique
comme certains marxistes ont tendance à le faire :
"Évoquer aujourd’hui la fin du capitalisme renvoie
aux limites écologiques de la planète et au caractère
insoutenable de la croissance (…) D’ores et déjà, le
réchauffement climatique, l’atteinte imminente du
pic d’extraction des ressources pétrolières et
gazières, les tendances concernant l’approvisionnement
en eau des grandes agglomérations
attestent ces limites. En parallèle, les biologistes
constatent une sixième extinction de masse". Mais
ils rappellent aussi aux écologistes qu’il existe des
rapports d’exploitation (des êtres humains et de la
nature).

Notre ami Stéphane Lavignotte interroge, lui, la
décroissance qu’il interprète comme un retour de
l’écologie politique radicale. Fidèle à l’esprit de la
collection, il commence par faire un historique et
une recension des formes politiques de la décroissance.
Cette première partie pédagogique bien faite
est très utile pour celles et ceux qui ne connaissent
pas le monde de la décroissance. Mais pour les
écologistes, la deuxième partie est la plus intéressante.
Après avoir dans sa transition montré le
danger d’une interprétation conservatrice de la
décroissance, Stéphane Lavignotte développe ce
que devrait être une décroissance de gauche et la
composition politique nécessaire à celle-ci.

Enfin, le dernier livre de Lilian Mathieu ré-interroge
les années 70 (de mai 68 à mai 81). Après avoir fait
un panorama assez exhaustif des luttes de cette
époque, il en tire les conséquences pour les luttes
du présent.