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Le Frau-i-feste : pour une Bisexualité Radicale
mardi 29 juin 2004
Nous sommes bisexuel-le-s parce que nous aimons vivre nos désirs, nos amours, nos sexualités, nos sensualités, avec des hommes et avec des femmes ; de manière conjointe, simultanée ou successive, de façon permanente ou temporaire.
Nous sommes radicales et radicaux en remettant en cause la domination masculine par laquelle les hommes s’attribuent le pouvoir sur les femmes, notamment à travers l’hétéronormativité, le couple (le deux) et la politisation naturaliste des désirs et des corps désirants et/ou désirés.
Nous sommes radicales et radicaux en luttant contre la division hiérarchique et asymétrique que produit le système de genre qui nous attribue un sexe dit biologique à travers quelques éléments d’anatomie érigés en fétiches de la différence. Nous sommes radicales et radicaux en luttant contre les violences de toutes sortes qui contraignent les femmes à céder à l’Ordre masculin. Ordre normatif qui tout en traversant à des degrés divers le vécu identitaire des gais, des lesbiennes, des bi, des transsexuel-le-s et des transgenres, leur assigne des positions marginales..
Nous sommes radicales et radicaux en refusant (…) les analyses naturalistes qui essaient d’expliquer le monde, les relations de pouvoir, les catégories de sexualité. Nous affirmons la nature contingente et sociale des relations humaines, et des typologies à travers lesquelles on lit les sexualités.
Nous sommes radicales et radicaux parce que nous refusons l’intégration des transgenres, des lesbiennes, des bi, des transsexuel-le-s et des gais dans un ordre politico-marchand où nous devrions cacher ceux et celles qui déplaisent à l’Ordre viril : les folles, les tantouses, les butchs, les camionneuses. Nous affirmons ne pas vouloir être enfermé-e-s, ghettoïsé-e-s dans les commerces qui se présentent comme des porte-parole légitimes. (…) Nous sommes radicales et radicaux car nous lions nos luttes à celles menées par nos sœurs et nos frères issu-e-s des classes exploitées par le néo-libéralisme, l’immigration coloniale, le pillage des pays pauvres (…) [en] nous alliant aux personnes les plus exploitées, notamment celles qui, pour vivre ou survivre, par choix ou non, vendent des services sexuels.
Y compris aux gais, aux lesbiennes et aux bi.
(…) La bisexualité radicale est une identité queer, au sens où elle est et n’est pas une identité sexuelle. (…)
Et en même temps, nous affirmons notre soutien à celles et ceux qui refusent les identités sexuelles, comme n’étant que les produits du système hétéronormatif et patriarcal où la domination des femmes, l’aliénation des hommes est inhérente à la division de l’espèce humaine, du monde, en deux. La bisexualité est une stratégie politico-discursive multiforme qui dénonce le totalitarisme de la cosmogonie binaire.
(…) La bisexualité radicale se veut pédagogique. Nous montrons dans les faits, avec nos corps, nos désirs, nos mots qu’il n’est pas nécessaire pour un homme de bander pour jouir, ni pour une femme d’être soumise à la pénétration. Nos peaux, nos sourires, nos corps sont les textes érogènes où s’écrit la disparition du genre, les textes où s’entremêlent nos désirs les plus fous, notamment ceux que l’Ordre hétéronormatif n’arrivera jamais à commercialiser, à idéologiser, à normâliser.
(…) Nous voulons trahir l’hétéronormativité parce que c’est un système de réclusion des femmes dans le domestique, une politique d’enfermement des hommes dans le professionnel, un monde marchant constitutif des oppressions et des inégalités où le corps des femmes, ou des hommes mis en situation de femmes, sert de monnaie entre les hommes qui se partagent les pouvoirs.
Nous sommes, et nous resterons, des insoumis-e-s aux catégories, y compris celle par laquelle nous nous définissons, et par laquelle vous prendrez l’habitude de nous définir. Quant, suite à nos luttes, la bisexualité sera d’usage courant, nous inventerons autre chose. Nous voulons nous insoumettre aux petites cases qui limitent nos désirs et nos vies.
Nous sommes aussi profondément infidèles.
Infidèles aux injonctions de l’Eglise qui tend à amalgamer sexualité et fécondité. Lorsque nous voulons vivre avec des enfants, nous voulons faire exister des biparentalités en dehors de la reproduction de l’ordre androcentrique, agiste, viriarcal ou patriarcal ; cet ordre-mascarade qui impose aux femmes la reproduction au nom du père-mari et aux enfants soumission, respect et dépendance.
Nous sommes infidèles au Dieu-Couple qui dicte qu’il suffit d’être deux pour survivre dans nos sociétés, ou que seules les relations longues et investies sont importantes.
Nous sommes infidèles à la famille. Nous revendiquons l’ensemble de nos amours, les furtifs et les autres. Face à l’obsolescence de la famille nucléaire, à la pacsisation des amours lesbiens ou gais (l’obtention de demi-droits pour les homosexuel-le-s), nous voulons inventer de nouvelles solidarités sociales, sexuelles où nos attirances, nos sensualités, nos désirs se moquent du nombre, du sexe, de l’origine et de la nationalité des personnes décidant de partager tout ou partie de leurs vie. `
Sexualités, affects et plaisirs sont enfants de bohème qui ne devraient jamais connaître de lois.
Daniel Welzer-Lang & collectif Coccinelle
le Frau-i-feste complet se situe sur le site www.multisexualites-et-sida.org