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Quels bilans pour la mandature ?

2004, par La rédaction

Les Verts achèvent un cycle : pour la première fois de leur histoire, ils sont en mesure de dresser un bilan de leur participation à une coalition gouvernementale. Ils peuvent ainsi dresser l’inventaire de leur association avec les forces de gauche composant la majorité plurielle et de l’évolution de leur mouvement. Dans quelques mois, l’élection présidentielle et les élections législatives viendront sanctionner cette stratégie. EcoRev’ se propose de participer à l’élaboration d’une série de bilan de la mandature : quel(s) bilan(s) pour les Verts ? Quel(s) bilan(s) pour la gauche plurielle ? Comment la société a-t-elle évolué depuis 1997 et comment les institutions et les partis y ont-ils répondu ? Quelle(s) place(s) pour une politique alternative ?

Éviter le bilan mono directionnel

Un bilan d’activité d’un parti consiste à dresser un inventaire par une opération à prétention officielle qui vise à récolter les informations significatives à la clôture d’une période déterminée. Il ambitionne de présenter un état énumératif et estimatif critique des éléments actifs et passifs composant le résultat politique d’un mouvement politique (en l’occurrence les Verts) mais aussi de sa stratégie d’alliance et des résultats politiques généraux issus de ce rassemblement.
D’une manière générale, l’élaboration d’un bilan ne doit pas se contenter d’être un simple instrument d’information politique de ce qui a été entrepris. Il ne peut éviter de se projeter dans l’avenir, de définir des orientations générales ou des objectifs délimités. Bien souvent, le bilan constitue aussi une manière de prolonger l’action dans l’avenir, en posant quelques jalons, et notamment en tentant de préciser les secteurs qui seront à privilégier. Le bilan ne s’inscrit donc pas dans la seule optique d’un témoignage figé, mais incite à l’action. En présumant d’une éventuelle continuité à appliquer, entre ce qui a été fait et ce qui doit être fait, le bilan assigne ainsi une ligne d’action qu’il est parfois difficile d’infirmer, sous peine de nier les résultats obtenus. Le bilan exerce ainsi une pression en conformité de l’action entreprise. Il permet alors d’effectuer le lien entre les politiques antérieures et celles qui sont à venir. Dresser des perspectives sur la base de ce qui a été fait, et jugé positif, contraint quelque peu le groupe à se conformer à la continuité de l’action réalisée jusqu’ici.

Dresser le bilan de la mandature doit se faire dans l’optique de dégager de nouveaux projets, pour préciser des directions stratégiques, pour réajuster l’ordre des priorités à la fois dans l’action vers (et avec) la société civile active et dans l’action à mener au sein des pouvoirs locaux et dans les instances gouvernamentales. Il s’agit aussi de mieux réfléchir au rapport avec les citoyens organisés et avec les autres représentants élus des citoyens, pour rappeler de coller plus aux valeurs que nous disons défendre. Cerné par des regards de plusieurs angles d’analyses et d’approches, le bilan s’enrichera de multiples apports et laissera voir ses aspects contradictoires.

Bilans critiques des Verts

Pour un parti encore jeune comme Les Verts (créé en 1984, 10 000 membres actuellement, quelques centaines d’élus…), le travail d’élaboration et de présentation des bilans témoigne d’une évolution importante. Construire et produire des bilans témoigne de l’accès à une nouvelle étape fondamentale dans le développement de groupe, dans sa propre conscience de soi et dans ses rapports avec son environnement.

En faisant ainsi ce travail d’inventaire, un parti politique révèle certains éléments de sa nature profonde, comme la hiérarchie effective de ses préoccupations ou bien encore le sens de l’engagement collectif du groupe. En ce sens, l’exercice du bilan dépasse très largement le seul cadre du devoir d’inventaire ; c’est un travail qui participe à une approche réflexive du parti sur lui-même. Il est l’occasion d’examiner la conformité à ce que l’on dit être, de s’assurer de la continuité de son action et de son bien-fondé militant.

EcoRev’ souhaite participer à ce travail d’élaboration d’une pensée critique autour de l’action politique des Verts. L’élaboration des bilans doit donc concerner l’ensemble des dimensions qui concernent leur développement : ce peut être les résultats électoraux, comme l’impact sur les politiques publiques, les mentalités et les modes de vie, ou bien encore le développement militant du groupe et ses relations avec la société civile.

Bilans critiques de la gauche plurielle

Etre ensemble, agir ensemble, mais dans quels buts ? En cette période de préparation des élections présidentielles et législatives, les bilans à venir permettent de clarifier les stratégies propres aux Verts (notamment autour de la question de l’autonomie ou de la cogestion du pouvoir), ainsi que les principes qui définiront les partenariats avec les autres composantes de la gauche plurielle. Un an après la signature des accords avec le PS, les Verts estimaient que "le bilan de l’application de l’accord est assez mitigé" (Tribune des Verts, Trimestriel, n°3, Eté 1998, Supplément à Vert-Contact n°507 bis, du 11 juillet 1998, "Un an déjà ! Bilan de Dominique Voynet"). Qu’en sera-t-il après cinq ans ? Comment cette évaluation pèsera dans les accords futurs et la stratégie verte ?

Au-delà des Verts, quels regards peut-on porter sur le bilan d’action de la gauche plurielle ? Quid des Sans Papiers, des choix économiques, des politiques de santé ou d’éducation… ? Comment tenir compte du poids réel des responsables politiques dans la détermination d’une politique nationale dans un contexte qui tend de plus en plus vers une mondialisation des processus de décision (avec notamment l’implication des décisions européennes dans notre système) ?

Où en est la société française ? Où en est la planète ?

Pour éviter de tomber dans le piège du bilan catalogue en tableau à deux colonnes (prévu/réalisé), il faut aussi tenter de saisir comment la société française a évolué depuis 1997 et comment les institutions et les partis y ont répondu.

Comment analyser le phénomène "chasse" et la question rurale au-delà de la dénonciation et des "directives" ? Pourquoi la question des risques (environnementaux, alimentaires, sanitaires) a-t-elle autant envahit le débat public et les Verts ont-ils su en tirer le meilleur parti ? Quelles aspirations citoyennes, quelles formes d’engagement ont émergé dans la société ? Dans leurs relations à la société civile, les Verts peuvent-ils encore mettre en avant leur "culture associative" ou prétendre au monopole de la "politique autrement" ? Comment se redessine la question sociale après les 35h et face à la mondialisation libérale ? Quelles perspectives propositionnelles co-élaborer avec les militants de l’anti-mondialisation libérale ?

Pour une pluralité des regards

Les ministères de Dominique Voynet et Guy Hascoët préparent leur bilan officiel. La direction des Verts a lancé un travail de bilan pour le CNIR de juin 2001. Les commissions thématiques des Verts, et, parfois, des compagnons "non-verts" des États-Généraux de l’Écologie Politique, ont été associés à ce bilan.

Mais cette timide ouverture des points de vue nous semble insuffisante. Nous préférons une pluralité de bilans plutôt qu’un bilan consensuel, dans la mesure où la suite de regards différents élargit l’horizon de réflexion.

Dans cette optique, l’élaboration d’une telle évaluation doit laisser la place à une large indépendance des auteurs. Nous présenterons donc, au fil des prochains numéros, des points de vue internes aux Verts (responsables de commissions, élus, instances décisionnelles, mais aussi des militants de base…), mais aussi d’acteurs extérieurs au mouvement écologiste, surtout lorsqu’ils représentent des luttes sociales ou environnementales importantes. Notre objectif principal et notre souhait est d’échapper à la tentation d’une évaluation exclusive, réalisée en fonction d’un étalon mesure que nous serions seul-e-s à détenir…

Les textes ouvrant ici ce cycle de bilans qui se poursuivra dans les trois prochains numéros, témoignent de l’étendue des regards qui doivent animer la volonté d’une évaluation la plus large possible. Ils ont vocation à permettre une réflexion sur le rôle des mouvements écologistes sur la scène internationale en opérant une réflexion sur l’état du mouvement anti-mondialisation (article d’Olivier Petitjean), ou bien encore à lancer le débat sur le bilan du Ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement.
Jean-Blaise Picheral, l’un des animateurs du réseau "Démocratiser radicalement la démocratie" analyse les élections municipales de mars 2001 comme révélateur de l’émergence de nouvelles aspirations citoyennes, de nouvelles envies de politique à prendre en compte.
Philippe Chailan signe, en tant que porte-parole d’Ecologie Sociale, un texte sans… concessions ! Son texte manie sans parcimonie la négation : des résultats positifs inexistants, une autonomie atone… Au sein d’EcoRev’ nous ne partageons pas l’ensemble des conclusions. C’est surtout la méthode qui nous semble insuffisante : au bilan dénonciateur à deux colonnes, nous préfèrerons l’analyse dynamique du jeu des forces sociales. Comment évoquer les politiques publiques sur la chasse sans prendre en compte le phénomène CPNT et la façon dont il questionne une écologie trop urbaine, élitiste et technocratique ? Comment faire le bilan du MATE sur les OGM sans l’inscrire dans le formidable élan citoyen qui a fait reculer les firmes BioTech et dans lequel l’ensemble des institutions - et les partis - ont été débordées ? Comment analyser les rapports de force au sein de l’État, entre les ministères notamment, dans un sens permettant une meilleure efficacité pour demain si le rapport de force est meilleur ? Comment expliquer l’apparente contradiction entre le maigre bilan gouvernemental des Verts et leur actuelle bonne santé électorale ? Comment enfin dépersonnaliser l’évaluation, afin de faire la part des responsabilités individuelles et collectives… ? Si nous ne suivons pas toujours l’analyse de notre ami d’Écologie Sociale, nous estimons par contre qu’elle a toute sa place dans le travail de débat et de bilan que nous entamons.