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Didier Anger, du combat antinucléaire aux Verts

mercredi 3 mai 2006, par Bruno Villalba

Né le 26 janvier 1939, Didier Anger est issu d’une famille militante ; son père, très engagé dans les milieux syndicaux et mutualistes l’emmène à tous les meetings. Devenu professeur d’histoire-géo en 1960, il s’investit au sein de "la grande FEN", tendance École émancipée, puis embrasse la cause antinucléaire en 1972. La Manche, son département, est le plus nucléarisé de France : l’arsenal de Cherbourg et ses sous-marins, l’usine de La Hague et bientôt un réacteur nucléaire à Flamanville, une commune rurale où Didier Anger a élu domicile. "Ce n’était pas une petite lutte environnementaliste classique", se souvient-il, "c’était une lutte globale et fatalement très politique, vu l’adversaire." Face à l’armée, la police bien sûr, mais aussi l’administration, les élus, locaux et nationaux, et, in fine, l’état. Son approche de la question du nucléaire dépasse rapidement la seule question, toujours préoccupante, de la sécurité des installations. Pour lui, le nucléaire représente aussi une certaine conception de la société, misant sur la toute puissance énergétique - et sa mythologie de la technique - au service d’une croissance sans limite. Il critique aussi le fait que le nucléaire n’ait jamais fait l’objet d’un réel débat démocratique, et ce depuis ses origines (tant civile que militaire). Ce nucléaire est donc l’illustration parfaite d’un état obnubilé par sa propre puissance, et réfractaire à tout examen critique. Il porte ainsi la critique sur la question du financement de cette technologie : au-delà du coût exorbitant de construction et de fonctionnement, comment gérer durablement les déchets - "une bombe léguée aux générations futures" - et le démantèlement des sites nucléaires ? Il ne cesse d’insister sur les apories scientifiques de ce que l’on présente comme le fleuron de la technologie énergétique à la française. Ainsi, il estime que la seule alternative valable au retraitement est, malheureusement, le stockage en surface. "Enterrer ces déchets signifie les oublier", précise-t-il.

Il donne ainsi à la critique antinucléaire une dimension plus globale, l’associant à une réflexion sur le fonctionnement démocratique de notre société, aux inégalités d’accès à l’énergie, mais aussi aux conséquences dramatiques dans l’exploitation des pays du Sud (pour l’uranium) ou bien encore dans le risque de dissémination des produits nucléaires.

Sur le plan politique, après avoir observé avec intérêt la campagne présidentielle de René Dumont, lui et ses amis du Crilan (Comité de réflexion d`information et de lutte antinucléaire) se persuadent progressivement que face au pouvoir nucléaire, la lutte de terrain ne peut suffire. Aux législatives de 1978, Didier Anger se présente sur son terrain de lutte et obtient 12,7 %, le meilleur résultat écolo de France. Il participe alors aux hésitations des écologistes, entre structures pérennes et mouvements auto-biodégradables... Finalement, il sera l’un des artisans du rassemblement d’une partie du courant écologiste ; une commission constituée de cinq membres du Parti écologiste, un rassemblement d’Alsaciens et de Lyonnais, et de cinq représentants de la Confédération écologiste, dont Didier Anger et Yves Cochet, est mandatée pour trouver un accord. Les discussions aboutissent à la création des Verts. Il en devient l’un des principaux porte-parole (tête de liste en 1984 lors des élections européennes ; conseiller régional en 1986), notamment en animant une réflexion européenne sur la question nucléaire (il a été vice-Président de la Commission Energie au Parlement Européen). À cette époque, soucieux de promouvoir une réflexion large autour du nucléaire, il est l’un de ceux qui pense qu’il faut travailler avec le Parti socialiste. Didier Anger participera à l’ensemble des élections des Verts. Il demeure un infatigable militant antinucléaire et continue à dénoncer l’emprise du lobby nucléaire sur le pouvoir politique avec pour conséquence la confiscation du débat démocratique sur les choix énergétiques.

Bruno Villalba

Didier Anger, Silence, on contamine, éd. compte d’auteur, 1987

Didier Anger, Nucléaire, la démocratie bafouée,
éditions Yves Michel, 2002

www.crilan.org