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Repenser le travail avec André Gorz : l’éditorial

lundi 7 janvier 2008

En préparant ce numéro 28 de la revue, nous avions fini par oser demander à André Gorz d’écrire un article. Connaissant quelque peu l’état de santé de sa femme, nous n’avions pas été surpris par son premier refus et avions choisi d’un commun accord, de reproduire des passages d’articles récents déjà parus, pertinents pour notre sujet.
Insatisfait de cette formule, il nous avait à nouveau contacté : il préférait tout compte fait rédiger un article. Mais il faudrait faire vite nous disait-il, prétextant devoir partir bientôt en voyage à l’étranger... C’était courant septembre, André Gorz avait cette élégance. A nos remerciements chaleureux il répondait simplement qu’en tant que parrain de la revue, il était normal qu’il nous soutienne. Deux jours avant de partir en compagnie de D., il avait, d’une voix enjouée et à plus de 21h, expressément demandé de faire fonctionner notre fax qui n’avait pas répondu aux nombreuses tentatives d’envoi de son texte dactylographié. C’est ce souvenir emprunt d’une grande gentillesse, d’une extrême modestie et d’un engagement sans faille que nous garderons d’André Gorz.

L’article qu’André Gorz a produit pour EcoRev’ témoigne de son acuité d’esprit, d’une pensée vivante, d’une implication dans la société du 21è siècle, tout autant que de sa capacité à identifier les signaux faibles où qu’ils s’expriment dans le monde. Il en appelle une fois encore à une révolution écologique, sociale et culturelle qui abolisse enfin les contraintes du capitalisme ; ouvrant les pistes d’un modèle de substitution à la marchandisation dont il perçoit dès aujourd’hui les prémisses, et dans lequel le salariat serait aboli. Une révolution qui paraît d’autant plus nécessaire qu’avec lui nous sommes convaincus, que pour la première fois dans l’histoire de l’humanité nous sommes en surabondance de matière première brute : l’intelligence, le cognitif.
Or, c’est cette matière grise –considérée comme gisement inépuisable-, qui dans la société cognitive est créatrice de richesses -intrinsèques et universelles-. Elle peut devenir source de connaissances et de savoirs, à condition que chaque être humain soit en situation de pouvoir apporter sa contribution aux besoins sociétaux.

André Gorz avait, dès le début de nos derniers entretiens, émis le souhait de débattre avec Yann Moulier-Boutang et Jean Zin -que nous devions également solliciter pour ce numéro-. Nous avions donc prévus dans un premier temps d’initier ce débat. Compte tenu de sa mort soudaine, nous avons préféré éviter un débat à sens unique et donner à chacun des débatteurs l’opportunité de s’exprimer sur le sujet du travail et de sa nécessaire transformation.
Les contributions d’André Gorz, Yann Moulier-Boutang, Jean Zin et Bernard Guibert –qui nous livre une vision originale du travail d’André Gorz- constituent la première partie du dossier. Elles permettent d’offrir des réflexions qui, bien que non contradictoires sur le fond, expriment différents points de vue.
L’article de Florence Jany-Catrice et l’entrevue avec Olivier Itéanu, se situent dans une perspective de mises en question des superstructures idéologiques, ici statistique et juridique. Sont alors mis à jour les conflits et difficultés rencontrées par l’économie capitaliste, avec ses propres outils idéologiques ou lorsqu’elle tente de reculer le moment où il lui deviendra impossible de dépasser ses contradictions internes, qui minent déjà les conditions de sa reproduction comme le stipule André Gorz dans son article.
Une série d’entrevue décrit ensuite des expériences diverses ; formes d’expérimentation d’auto-organisation de la production, processus de singularisation qui se soustraient aux formes dominantes de socialisation -salariat/marché/hiérarchie-, qui constituent d’ores et déjà pour nous des exemples locaux de ces signaux faibles -tels ceux du Sud pointés par André Gorz-.
Le dossier se termine par une entrevue avec Antonella Corsani, membre de la rédaction, qui nous livre ici son point de vue d’économiste sur des questions soulevées par le dossier.

André Gorz avec des ouvrages tels que Misère du présent, Richesse du possible et L’immatériel est aujourd’hui un précurseur engagé dans l’écologie politique, dont les thèses sont plus que jamais d’actualité. Nous sommes convaincus que la vision épurée des positions qu’il livre ici comme une sorte de testament militant, pourra contribuer à initier certains débats, plus que jamais nécessaires.
A ce dossier en forme d’hommage se sont associés certains de nos amis en livrant des textes plus personnels. Nos colonnes restent ouvertes à celles et ceux qui voudraient ultérieurement lui rendre également hommage.

La rédaction d’EcoRev’ très affectée par le décès de son parrain André Gorz tentera dans ses prochaines publications de continuer le travail militant auquel il était extrêmement attaché et auquel il n’a jamais cessé de participer.

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