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Philosophie de l’écologie politique, de 68 à nos jours

Eva Sas, Les Petits matins, 2010, 136 pages, 12 euros

mars 2011, par Pierre Thiesset

Difficile de résumer la "philosophie de l’écologie
politique". Celle-ci se caractérise par une multitude
d’influences, un fourmillement d’idées. Elle ne peut
se réduire à une seule figure : ici, il n’y a pas un
Marx qui fait autorité. Le court ouvrage d’Eva Sas
essaie néanmoins de synthétiser cette pensée en
évolution constante, jamais figée.

Pour l’auteur, mai 68 a été le déclencheur. L’écologie
politique est héritière de cette révolte contre une
société en perte de sens, où l’avoir prime sur l’être,
où l’obsession de la croissance économique aliène
les individus et les déshumanise. "L’écologie
politique est d’abord une pensée de l’émancipation
individuelle", écrit Eva Sas. C’est en se libérant de
l’hyperconsommation, de l’emprise du productivisme
(qu’il soit capitaliste ou socialiste), en luttant contre
la passivité, l’uniformisation des modes de vie et le
délitement du lien social que les hommes, autonomes
et créatifs, se réalisent dans la convivialité.

Profondément libertaire, l’écologie politique alerte
sur la dégradation des équilibres environnementaux
et les menaces qui pèsent sur la vie elle-même. Elle
critique l’organisation sociale qui engendre de tels
périls. Elle appelle à prendre conscience de la
finitude de la Terre et de l’homme, soumis à son
environnement. Pour que la vie se perpétue, l’action
humaine doit être limitée, la technoscience freinée,
l’illusion de l’accumulation sans fin abandonnée, les
ressources réparties. Questionner nos pratiques,
nos valeurs, assumer notre responsabilité partagée
dans la dégradation de la qualité de vie, adopter
une éthique individuelle et collective : ces priorités
sont au coeur du Principe responsabilité d’Hans
Jonas, abondamment cité par Eva Sas.

L’auteur s’appuie également sur les travaux de Jean
Baudrillard, Ivan Illich, Jürgen Habermas, Félix
Guattari, Emmanuel Mounier ou André Gorz. Elle
s’autorise à faire un bond avant 68 pour citer l’école
de Francfort, dont la remise en cause du progrès
technique, la dénonciation de la déraison et de
notre puissance d’autodestruction constituent une
source d’inspiration majeure pour l’écologie
politique.

On regrettera cependant l’absence de penseurs
essentiels, comme Jacques Ellul, Bernard
Charbonneau, les situationnistes, ou encore les
actuels porte-parole de la décroissance qui renouvellent
l’écologie radicale aujourd’hui. Contrairement
à ce que laisse supposer le titre Philosophie de
l’écologie politique, de 68 à nos jours, cet ouvrage
n’est pas exhaustif. Le nombre de pages ne le
permet pas. Mais c’est une approche, une ébauche
efficace pour se familiariser avec l’écologie politique.
Comme le note Alain Lipietz dans sa préface : "Le
livre d’Eva Sas a toutes les qualités d’une introduction."