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Eco-villages

2004, par Ariane Jossin

Le concept des éco-villages est né à la suite de la conférence de Rio (1992) d’un groupe de personnes d’origines différentes (Allemand/es, Britanniques, Danois/es) désirant dépasser les discours et fédérer tou/tes les acteur/trices de l’écologie appliquée. Ce réseau a développé une nouvelle forme de coopération Nord-Sud en mettant en place des échanges de savoir intercontinentaux (Afrique-Europe, Asie-Australie, Amériques du Sud et du Nord). Le mouvement est arrivé en France il y a quatre ans.

Muriel Gehlen a 37 ans et est actuellement coordinatrice et responsable de la communication des éco-villages. Présente dans le mouvement depuis 1998, elle reste assez critique par rapport aux débuts du mouvement français qui aurait été lancé sans véritable réalité de terrain. L’équipe qui a pris le relais a par conséquent voulu recréer le lien entre les néo-ruraux et les "intellos-futurs-éventuels-éco-villageois" qui, jusqu’alors, privilégiaient la réflexion à la pratique.
Il existe aujourd’hui deux éco-villages officiels : Carapa dans le Gard (d’orientation sylvo-pastorale) et Bio-lopin dans le Jura (porté sur la construction, les activités culturelles et la ferme) qui regroupent respectivement trois et quatre foyers. Tous vivent de l’activité de leur structure. Muriel Gehlen compte quant à elle s’installer dans un éco-village qui regroupera environ dix foyers à Bailly (Yvelines) dès juillet 2001.

EcoRev’ : Qu’est-ce qu’un éco-village ?

Muriel Gehlen : "Eco" c’est pour écologique, et "village", c’est pour la notion de collectif. L’idée, c’est une communauté intentionnelle qui décide de vivre l’écologie appliquée. J’aime beaucoup la définition de Patrick Baronnet (1) : "Le grand défi des éco-villages est de retrouver le vrai sens du collectif, non cette juxtaposition d’égoïsmes réclamant des droits ; mais cette intégration d’individus attentifs s’imposant d’eux-mêmes et non sous la contrainte des devoirs envers la communauté humaine dans laquelle ils vivent". On a créé 21 critères pour définir la démarche qui mène à l’éco-village : chacun/e se les approprie et les concrétise comme il/elle le souhaite. La notion de bio-diversité est vraiment importante, entre les gens et avec la nature, c’est-à-dire que chaque éco-village sera particulier. Ça peut même être un éco-quartier, pourquoi pas ! L’idée centrale est qu’un groupe de gens essaient de prendre en main leur destin et d’aller petit à petit vers une autonomie énergétique, une auto-suffisance alimentaire, de vivre l’écologie appliquée au quotidien, d’être responsable collectivement, en fait. Et puis la gestion du temps est également très importante. Il est clair que dans un éco-village il ne va pas y avoir que des actif/ves, il va y avoir aussi des enfants, des ados et des retraité/es. Et chacun/e doit pouvoir trouver sa place et participer à l’activité commune en fonction de l’énergie qu’il/elle peut apporter. On recherche l’harmonie entre les générations.

EcoRev’ : C’est une sorte de retour à la nature ou peut-on imaginer un éco-village urbain ?

M. G. : Un éco-village peut tout à fait être en périphérie de ville, mais difficilement en ville, en ce sens que la ville crée un système de dépendance automatique et que nous, on recherche quand même l’autonomie. L’idée c’est tout de même d’avoir une certaine relation avec la nature.

EcoRev’ : Y a-t-il un lien avec les mouvements ésotériques ou spirituels ?

M. G. : Il y a généralement un lien avec tout ce qui touche au développement personnel, dans le sens où vivre en éco-village, c’est se remettre en question, ainsi que toute une culture. Et à un moment ou à un autre, ça a trait au développement personnel. Mais il y a bien entendu des éco-villageois/es qui ne sont pas du tout intéressé/es par une démarche spiritualo-ésotéro-quelque chose.

EcoRev’ : Vous vous définissez comme autogestionnaires, mais comment envisages-tu le lien avec les institutions, avec le reste de la société ?

M. G. : Je ne dirais pas que ce lien est nécessaire, mais qu’il est important. L’autogestion est une de nos finalités, mais ça ne veut pas dire l’autarcie pour autant. Autrement dit, l’idée est vraiment de rester ouvert/es et en lien avec le monde d’aujourd’hui tel qu’il est et qu’il fonctionne, notamment dans les villes, de manière à montrer d’autres exemples possibles, une alternative réalisable. Il y a donc une volonté d’accueil. On propose notamment des formations pour les jeunes qui le désirent. On est d’ailleurs membre du Collectif Français pour l’Education à l’Environnement. L’idée ça n’est pas de dire "on détient la vérité, on détient l’exemple pour demain", l’idée n’est pas du tout de créer une nouvelle dépendance, c’est vraiment d’autonomiser et de responsabilités les gens : prenez-vous en charge et créez ce que vous avez envie de créer ! On ne veut pas modéliser les gens, on ne souhaite pas reproduire le système actuel. Et on tient tellement à la liberté individuelle qu’il est impossible que nous tombions dans une dérive sectaire !

EcoRev’ : Quels sont vos liens avec le mouvement écolo plus politisé ?

M. G. : Je pense qu’il y a des complémentarités. Le mouvement des éco-villages français s’est trouvé freiné à un moment, c’est-à-dire que ceux/celles qui ont essayé de créer des éco-villages ont rencontré des problèmes réglementaires (la loi anti-mitage, des problèmes de POS, l’installation de panneaux solaires ou de toilettes sèches dans un bâtiment collectif, etc.). Il y a donc peut-être là des liaisons à faire avec le politique et l’institutionnel pour faire des lois qui vont dans le sens de plus d’écologie appliquée. Mais s’il existe un rapport avec les Verts, c’est forcément individuel : le mouvement des éco-villages est volontairement apolitique. Par contre, on a fait notre Assemblée Générale en septembre avec le Congrès de Chiche !, parce que j’avais envie d’entrer en relation avec des jeunes intéressé/es par l’écologie et qui sont impliqué/es politiquement par rapport à l’avenir. Et c’était vraiment intéressant, parce que ceux/celles qui cherchaient une application de leurs idéaux ont pu trouver des possibilités concrètes avec notre mouvement.

EcoRev’ : Quel rapport entre les éco-villages et le mouvement communautaire des années 70 ?

M. G. : Il peut y avoir un rapport, en terme d’écologie appliquée par exemple, si ce n’est qu’il y a aujourd’hui une dimension économique qui est présente et qui ne l’était pas forcément à cette époque. A mon sens, les communautés étaient des prémices d’éco-villages, mais c’était beaucoup moins responsable et autonome surtout du point de vue économique : ils dépendaient de la distribution, etc. Et aussi en terme de relation de groupe, il y avait quand même souvent un dirigeant, il y avait une idéologie qui les reliait. Cette idée de communauté très forte n’est plus du tout à l’ordre du jour pour ceux/celles qui cherchent à intégrer les éco-villages en France. Ceux/celles-là veulent par exemple un habitat individuel, un espace qui leur est propre. C’est peut-être d’ailleurs en réaction avec les communautés des années 70 qui ont mal fini pour ce qui est du relationnel humain. Par contre, on retrouve davantage cet aspect communautaire à l’étranger, où certain/es prennent leurs repas ensemble, par exemple. En fait, dans les éco-villages français, tu peux avoir des gens aux idéaux complètement différents, parce que ce qui relie c’est davantage un comportement individuel face à une responsabilité globale. Parmi les acteur/trices actuels du mouvement des éco-villages en France, tu as donc à la fois des ancien/nes des années 70 et d’autres qui n’ont pas connu cette réalité.

EcoRev’ : Comment faire pour créer aujourd’hui un éco-village ?

M. G. : Tout dépend de la démarche : soit il s’agit d’une personne intéressée par le concept, soit de quelqu’un qui porte un projet. Dans le premier cas, il suffit d’accompagner quelque chose d’existant ou d’apporter sa particularité dans un projet qui existe. Dans le deuxième, il faut trouver des gens, parce que la notion de "collectif" est importante et donc voir s’il y a des gens dans le réseau que le projet intéresse. Ce qu’il faut savoir, c’est que c’est une démarche responsable : le réseau ne prend personne en charge, c’est toujours l’autonomie qui est visée. Il va quand même y avoir des mises en relation, des adresses pour les formations, des choses comme ça, mais on ne porte pas le projet d’une personne.

EcoRev’ : Quels sont les projets en cours ?

M. G. : Le gros projet en ce moment est celui de la fédération. Actuellement constitués en association loi 1901, on aimerait devenir une fédération d’associations, afin de mieux mettre en réseau nos expériences diverses. Sinon, il y a également le village Bio-lopin qui a lancé une opération de parrainage de vache !! Il s’agit de soutenir l’agriculture biologique de cette façon en contribuant à hauteur de 50 ou de 100 F. On peut ensuite aller voir sa vache dans l’éco-village.

EcoRev’ : Est-ce qu’il y a un pays modèle pour les éco-villages ?
M. G. : L’Italie. Le réseau italien est très diversifié et très dynamique. Il y a des éco-villageois/es très axé/es démarche spirituelle, travail sur le développement personnel. Et d’autres qui sont totalement libertaires ou alors dans le refus total de la machine. Il y en a au moins une dizaine de constitués là-bas, ça va du tout petit éco-village à la grosse fédération. C’est vraiment représentatif de la bio-diversité. Les réseaux danois et allemands sont également très actifs, mais moins diversifiés.

Propos recueillis et retranscrits par A. Jossin

Contacts

– Réseau des éco-villages : 05.53.65.46.31 - coord-rfev@club.voila.fr - site : www.citeweb.net/rfev/

– Site international : www.gaia.org

– Bio-lopin 03.84.44.20.18 - jberthault@aricia.fr

Carapa 04.66.30.13.42

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