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Renault doit-il devenir un acteur indispensable dans l’éducation de nos enfants ?
vendredi 6 mai 2005
Renault SA propose aux écoles des "kits pédagogiques" gratuits débouchant sur un concours international "sécurité pour tous".
Extraits du site internet www.securite-pour-tous.com ouvert par Renault SA
"Renault devient acteur de la lutte contre l’insécurité routière. Dès 2000, toute l’expertise de Renault en matière de sécurité est ainsi mobilisée pour former de futurs citoyens, acteurs de leur propre sécurité et de celle des autres. Au-delà de la sécurité automobile, Renault s’engage aujourd’hui en faveur de la sensibilisation et de l’éducation à la sécurité routière. Une démarche forte, visant un public large et qui s’inscrit dans le temps.
L’objectif du programme international "Sécurité pour Tous" proposé par Renault, en collaboration avec les spé-cialistes de la sécurité routière dans de nombreux pays, est simple : sensibiliser, former et éduquer les jeunes à la problématique de la sécurité routière. Trois cibles prioritaires : les enfants de 7 à 11 ans, les adolescents de 12 à 15 ans et les jeunes adultes de 16 à 25 ans, ainsi que leur entourage immédiat (famille, école...). Une approche pédagogique, ludique et interactive. L’objectif de Renault est d’offrir des actions et des outils péda-gogiques innovants et de qualité, qui répondent aux nouveaux besoins des enseignants et qui donnent envie aux enfants et aux jeunes d’apprendre. L’optique des plus jeunes est prioritaire. Toute l’expertise de Renault en matière de sécurité est ainsi mobilisée pour former de futurs citoyens, acteurs de leur propre sécurité et de celle des autres".
Faut-il laisser à une société commerciale le soin de "sensibiliser, former et éduquer les jeunes à la problématique de la sécurité routière" ? Le soin "d’offrir des actions et des outils pédagogiques innovants et de qualité, qui répondent aux nouveaux besoins des enseignants et qui donnent envie aux enfants et aux jeunes d’apprendre" ? Au nom de quoi la société Renault s’intéresse-t-elle à l’éducation des citoyen-nes ? Quel est son intérêt ? Son objectif n’est-il pas la croissance de l’entreprise, c’est-à-dire vendre toujours plus de véhicules à travers le monde ? Et pour cela, il faut attirer le "client". Pour cela il faut donc :
– se donner une image d’entreprise "citoyenne" et "responsable" alors qu’on n’hésite pas à licencier et délocaliser si la rentabilité l’exige. Rappelons-nous de Vilvoorde.
– toucher une clientèle de plus en plus large. Les enfants, largement prescripteurs au sein de leurs familles dans l’acte d’achat, et particulièrement vulnérables à la publicité, sont une "cible" privilégiée.
– fidéliser la clientèle. En ce qui concerne les enfants, on anticipe sur leur comportement d’adulte et on les conditionne. Bel exemple d’éducation à la responsabilité !
– connaître les attentes de la clientèle pour mieux les satisfaire.
En ce qui concerne l’automobile, l’une des préoccupations majeures du consommateur ou de la consommatrice est la sécurité. Toute la question pour Renault est donc de répondre à cette demande sans pour autant admettre que nous avons déjà TROP de voitures, que nous utilisons trop celles déjà existantes et qu’il faut arrêter d’inciter le client à acquérir des modèles surpuissants qui ne peuvent que contribuer à la pollution et à l’insécurité routière. Pourquoi l’Éducation Nationale délègue-t-elle une partie de sa mission à Renault ? Si la Prévention et la Sécurité Routière sont de "grandes causes nationales", comme on nous le rappelle chaque année à l’énoncé des bilans désastreux des morts et accidentés de la route, l’Éducation Nationale doit donner les moyens nécessaires aux enseignant-es pour assurer l’objectif en toute indépendance, au nom du principe de neutralité commerciale. C’est le seul moyen de faire parler de ces problèmes que taira toujours l’industrie automobile. Enfin, si Renault SA veut réellement agir pour la sécurité routière, qu’elle fasse un don ANONYME à des organismes indépendants (fondations, associations) qui sauront soutenir efficacement et de façon désintéressée l’action de l’Éducation Nationale, sans qu’aucune mention ou signe de la marque Renault SA ne parvienne aux enfants. Si les modèles de cette société sont vraiment meilleurs sur le plan de la sécurité, elle pourra tirer des dividendes indirects de cette action. Qu’on ne vienne surtout pas prétendre éduquer les enfants quand on aborde le problème de façon délibérément tronquée et racoleuse !
Benoît R.