Accueil > Les dossiers > De l’automne 2004 à l’automne-hiver 2005/2006, du n° 18 au 21 > N° 21 (automne-hiver 05/06) / figures de l’écologie politique > Révélateurs de conscience
édito
Révélateurs de conscience
vendredi 9 décembre 2005
Hermaphrodite par nature, sans filiation avec une identité internationale pas plus qu’avec une tradition politique nationale bien implantée, l’écologie politique a dû se forger ses sources d’influences intellectuelles... Mieux encore, devant l’inconsistance des programmes politiques existants au moment de sa tortueuse émergence, l’écologie s’est dotée de ses propres éléments doctrinaux et de ses propres méthodes d’actions -où le hasard des rencontres militantes explique souvent l’hybridation des modes de combat : de l’environnementalisme au tiers-mondisme, du féminisme au pacifisme...
L’écologie politique, comme le souligne Serge Moscovici, est un mouvement orienté par une "culture de vie", qui ne peut se contenter de suivre une quelconque loi historique, pas plus que d’horizons économiquement indépassables... Il existe donc bien des sources mais non une source intellectuelle de l’écologie. Sorte de chimère programmatique, elle constitue une tentative de conciliation -sans cesse questionnée, remise en cause, abandonnée puis redécouverte- d’options aussi disparates que l’autogestion, l’esprit libertaire, l’utopie révolutionnaire, ou bien encore un rationalisme directement hérité de ses origines environnementalistes, sans oublier bien sûr une écume spirituelle (ou tout au moins esthétisante) sur les rapports entre l’homme et la nature, mais aussi entre les hommes eux-mêmes.
Figures de l’écologie a été conçu comme un regard subjectif des influences intellectuelles de l’écologie, mais aussi des lieux et des moments de lutte, parfois de crise, qui ont scandé son histoire, présente ou passée. Une construction aussi faite d’absences, de femmes et d’hommes, de lieux de mémoire, d’évènements, etc., qui ont également contribué à cette histoire.
Il s’agit donc d’un kaléidoscope, d’un relevé topographique, d’un carottage à travers le temps et l’espace de sources théoriques, de figures qui ont contribué à construire un espace autonome de réflexion, mettant au centre les conditions d’une survie planétaire de l’espère humaine, et avec elle, de tous les non-humains. Mais ils sont peu nombreux ces précurseurs de l’écologie politique ! Le culte des "ancêtres" n’a pas encore eu le temps de s’instituer. Ces proches "ancêtres" sont bien des "révélateurs de conscience", pas des directeurs de conscience. Par leur vécu, leurs écrits, leurs interventions, ils témoignent de la sincérité et de la continuité de l’engagement, traçant des lignes de fuite, formant autant de point de repères, de nœuds de contestation et de remise en cause, de convivialité aussi. Ce numéro est donc bien une invitation au voyage dans le proche passé de l’écologie, mais aussi dans les espoirs qu’il ouvre pour l’avenir.
Nous ne pouvions terminer cet éditorial sans rendre hommage à Anne-Marie Marchetti qui nous a quitté le 13 octobre dernier. Auteure notamment de Perpétuité : le temps infini des longues peines (Plon, 2001) et de Pauvretés en prison (Eres, 1997) ; nous avions publié dans le n°15 d’EcoRev’ "Enfermement de la misère, misère de l’enfermement", son intervention au colloque de l’association "Droits d’Urgence : pauvreté et accès au droit".
C’est surtout de son engagement dont nous nous souviendrons. Elle n’aura de cesse de rappeler que ce sont les plus pauvres que l’on met en prison et de dénoncer la prison comme enclave totalitaire où les droits des personnes n’existent plus. Mais aussi, engagement indéfectible auprès de ceux qui au quotidien survivent en détention. Elle restera, pour celles et ceux qui l’ont connu un exemple de chercheuse engagée.
Va, Anne-Marie, vers les temps infinis de notre peine.
La rédaction