Accueil > Les dossiers > Du printemps 2006 à l’été 2007, du n° 22 au 27 > N° 24 (automne 06) / Accepter. Les nouvelles formes de la soumission volontaire > lectures > La propagande au quotidien
La propagande au quotidien
jeudi 1er mars 2007, par
Conforme aux objectifs de cette maison d’édition - inciter à la réflexion et à l’action - le livre d’Eric Hazan, écrivain et éditeur, décrypte la nouvelle Lingua Quintae Respublicae (LQR. La propagande au quotidien, éd. Raisons d’agir, 122 p.). Cet essai doit tout au travail remarquable de Victor Klemperer. Ce dernier écrit en 1947 Lingua Tertii Imperii, la langue du IIIe Reich (1996, Albin Michel) dans lequel il détaille le mécanisme par lequel le nazisme s’insinue "à travers des expressions isolées, des tournures, des formes syntaxiques qui s’imposaient à des millions d’exemplaires et qui furent adoptée de façon mécanique et inconsciente". Eric Hazan transpose la méthode à l’étude de la Langue de la Ve république, qui procède à un "darwinisme sémantique", imposant progressivement une nouvelle vision du monde, en escamotant des débats et en pacifiant artificiellement l’expression publique et individuelle. Hazan présente donc quelques clés de cette langue : l’euphémisation (partenaire social, privatisation, croissance...) avec son amplification rhétorique ou ses anglicismes ; son conformisme aux modes du moment (mythe de la société civile - lieu pacifié par nature -, moralisme infantilisant, sécuritarisme...). Construite par les élites (disposant d’un même capital culturel et partageant les mêmes intérêts), diffusée par les mondes médiatiques, elle est reprise et adaptée par tout un chacun, devenant ainsi l’espace officiel de la communication politique. Ainsi, la conflictualité de la société (individu/institution, inégalités sociales, causes de l’insécurité...) est gommée au profit d’une vision dynamique du langage. La démonstration est vive, souvent ironique et mordante. Avec quelques simplifications (procédures d’acculturation de cette langue...) ou oublis (protocoles juridiques qui codifient cette langue, comme pour la LTI). On aurait aussi souhaité que l’auteur insiste sur les objectifs réels de cette langue. Reste à résister et à faire sa propre révision sémantique... petit acte de la résistance quotidienne.
Bruno Villalba