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Edito, Pour une écologie des savoirs
samedi 17 avril 2004, par
"Pour une écologie des savoirs", formule singulière, éminemment politique, prenant le parti de crier haut et fort le danger de séparer les savoirs des relations propres aux "milieux de pensée et de vie" qui les fondent et qui les portent tout à la fois.
Que l’on songe aux batailles autour de la mise en culture et la commercialisation des produits OGM, au mouvement du logiciel libre, aux combats des communautés paysannes pour la préservation de leurs savoir-faire, au développement des "savoirs experts" des innombrables associations qui tissent la société... les savoirs n’ont cessé de proliférer et de "travailler" de l’intérieur au déplacement de la politique sur un terrain inédit : celui des usages, des pratiques, des représentations. Cette "science du quotidien" met sous tension non pas la "science des scientifiques" mais l’ensemble des institutions savantes qui en organisent la production, la codification, et la diffusion. Cette pression opère par de multiples canaux : par la dénonciation, preuve en main, du productivisme des politiques publiques en matière agricole ou environnementale par exemple ; par la critique en règle des politiques techno-scientifiques des grandes firmes pharmaceutiques ; par la tenue de forums sociaux ou la mise en place de structures de recherche alternatives.
En retour, la montée en puissance de l’économie de l’immatériel force au développement de logiques productives qui ne peuvent plus s’accorder avec les normes de contrôle et de régulation héritées du fordisme. L’Etat "reflue" face aux "nouvelles enclosures" (les brevets et plus largement le développement des droits de propriétés intellectuelles) dont la gestion relève pour une large part des marchés financiers et des institutions mondiales (OMC…). Encodés, normalisés, les savoirs sont mis sous tutelle. Pris dans les rets de rapports de propriété, ils deviennent une ressource rare, prêts à revêtir la forme marchandise pour être mis en valeur.
Mais la force des savoirs n’est-elle pas toujours et encore de se donner et redonner un lieu, un langage, des pratiques, bref un territoire de vie qui leur sont propres ? De s’affirmer toujours en reste de quelque chose, d’un événement, d’un souvenir, d’un apprentissage ? Loin d’être un obstacle, la "pluralité des mondes" est peut-être le meilleur des remparts contre la Raison technicienne. Gageons que ce numéro participe activement de cette utopie.
La rédaction