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Dossier revenu social garanti : l’édito
jeudi 27 juillet 2006
En consacrant ce n° 23 d’EcoRev’ au Revenu Social Garanti, la rédaction souhaite revenir sur une question largement débattue au plan théorique mais qui, à la faveur des mouvement sociaux de ces derniers temps (intermittents, jeunes, banlieues) pourrait bien remonter à la surface et, pourquoi pas, s’inviter dans le débat politique actuel. Pourrait : le conditionnel est de mise. Face à ces mouvements, la thématique du Revenu Social Garanti est restée en retrait : elle n’a pas fait l’objet d’un débat de fond, encore moins d’une tentative de conciliation entre les enjeux des mouvements anti-CPE ou bien encore des révoltes des banlieues.
La violence, l’ampleur, la diversité des conflits passés n’ont eu de cesse de révéler les limites d’une régulation politique et institutionnelle, trop souvent fondée sur une action normative, administrative et sécuritaire de l’Etat. Abordant le question de la cohésion sociale sur le mode classique de l’Etat Providence redistributeur, traitant de la question des banlieues et des territoires sous un angle exclusivement économique (zone franche), discutant de la réforme du régime de protection sociale des intermittents à l’aune des seuls critères comptables et financiers, les politiques publiques sont le plus souvent vides de participation démocratique, de co-gestion voire de co-production de règles ou de compromis avec les acteurs concernés.
Cette conception et ces pratiques "républicaines" de la politique tranchent avec les nouvelles formes de conflictualité qui s’affirment comme autant de revendications identitaires redoublées d’une profonde radicalité. C’est le mouvement des intermittents qui a ouvert la voix en pointant le problème épineux de la reconnaissance de droits sociaux et professionnels dans des univers productifs atypiques, marqués par une discontinuité de l’activité ; c’est le mouvement des étudiants qui, bien avant les luttes anti-CPE de 2006, n’a cessé de revendiquer un statut et une rémunération afin de pouvoir étudier à l’abri de la précarité et des petits boulots ; c’est aussi le mouvement des banlieues, ces "oubliés" de la République et de la société salariale qui, depuis Vénissieux et Vaux-en-Velin dans les années 80, n’ont cessé de nous alerter sur la décomposition d’un modèle d’intégration porté par les valeurs et l’idéologie d’une société centrée sur la norme du travail fordiste et du plein emploi.
Sans aucun doute, la flexibilité des marchés du travail, l’arbitraire de l’Etat Nation et la myopie des marchés financiers domineront encore un certain temps l’organisation de la vie économique et sociale. Un tel contexte a pour conséquence de faire de l’emploi une norme d’insertion exclusive, discriminatoire, aveugle de surcroît devant les transformations culturelles, sociales, productives du monde contemporain. C’est pourquoi la proposition d’un Revenu Social Garanti n’est pas seulement le plus petit commun dénominateur politique pour sortir de l’assistanat et du principe de conditionnalité attaché aux aides sociales. Il est aussi un point de passage obligé pour basculer durablement vers une société de pleine activité, fondée sur la mobilité et la garantie de ressources devenues vitales dans le cadre de normes de travail de plus en plus intellectuelles et socialisées. Et s’il est bien vrai que les propositions formulées par certain parti politique comme celles d’une sécurisation des parcours professionnels, d’une extension des aides aux moins de 25 ans ou d’une instauration d’une prime salariale pour les bas revenus n’ont pas la couleur du revenu garanti, elles en ont incontestablement le parfum.
Chemin faisant, le Revenu Social Garanti se conjugue de moins en moins au conditionnel et de plus en plus au futur simple. D’une possibilité virtuelle, purement théorique, il est devenu sans rien y paraître une possibilité réelle inscrite, en filigrane dans les programmes et les agendas politiques. Nous ne doutons pas qu’une telle revendication puisse un jour se conjuguer au présent. Pressée d’en finir, EcoRev’ a simplement décidé de forcer le destin en lui donnant un petit coup de pouce. Nous adressons nos chaleureux remerciements aux différents contributeurs de ce numéro pour l’aide précieuse qu’ils nous ont apportée dans cette tâche.
La rédaction