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La décroissance, mode d’emploi - Marjolaine
dimanche 15 avril 2007, par
Tito, Julie, Nicole, Florian, K’tche, Franck, Marie-Anne, Marjolaine, Brigitte. Derrière le mot "décroissance", il y a des hommes et des femmes, des actes, des représentations, un style de vie... En somme, une militance totale, radicale et continue, fait de petits gestes quotidiens, tantôt intimes et solidaires, tantôt spectaculaires. Une militance partie à la reconquête de la vie pour produire ou changer la vie… A condition toutefois de ne pas oublier de vivre.
Marjolaine, 24 ans, Bordeaux
Quel est ton investissement pour faire vivre l’idée de décroissance ?
Bien que je vive en ville, je fait attention à réduire au maximum mon empreinte écologique. Ne pas polluer, économiser l’énergie et les ressources de la planète car elles ne sont pas illimitées, cesser de surconsommer, réduire les déchets. Même si la décroissance ne se réduit pas à la simplicité volontaire, pour moi, elle commence par là.
Je ne fume pas et j’évite les lieux enfumés. Je ne consomme jamais dans les bars. Je préfère la musique acoustique à la musique amplifiée parce qu’elle n’utilise pas d’électricité et qu’elle est plus conviviale. Je n’ai jamais eu la télévision, et je refuse d’en avoir une. J’ai un ordinateur que j’allume rarement. Je n’ai pas de connexion Internet personnelle. Je me déplace exclusivement à vélo et en tram ou bus. (…) Je n’ai pas de voiture et je refuse d’en avoir une un jour, je n’achète aucun vêtement sans être mal habillée pour autant (récupération, puisque tout le monde jette énormément). Pour la nourriture, j’achète mes légumes en AMAP et le reste en coop bio. Je ne vais en supermarché que très rarement et en vélo. J’utilise le moins d’eau possible pour la vaisselle. Je n’achète aucun meuble. Je n’ai pas d’aspirateur ni aucun robot ménager électrique. Pour ma soupe, je préfère utiliser un presse purée mécanique qui ne tombe pas en panne. Pour la machine à laver le linge, je préfère le lavotomatic sans utiliser le sèche linge. Si j’ai vraiment besoin d’un robot, je demande à mes voisins de me prêter le leur, en échange d’un autre service, ce qui permet, en pleine ville de rétablir un contact humain et convivial.
Je ne suis pas dénuée de "contradictions" : j’ai encore un téléphone portable car je change de ville régulièrement pour mon travail et je souhaite rester joignable pour ma famille et mes amis. J’habite en studio mais je souhaite l’an prochain me mettre en colocation avec d’autres décroissants, par soucis de décroissance. Cela qui me permettrait de partager une ligne téléphone fixe et de jeter mon téléphone portable. J’avoue également que je prends une douche par jour alors que je pourrais me laver à la bassine et au gant de toilette plus souvent (…).
Un casse-tête ? Pas forcement, cela devient vite amusant. Et la décroissance se vit bien plus facilement dans une réorganisation collective. Dans les villes, certains décroissants se réunissent pour former une sorte de "micro-société décroissante urbaine" composée d’individus décroissants de différentes générations, horizons, milieux... et complémentaires. Il ne s’agit bien sur pas de jouer à "plus décroissant que moi, tu meurs". Cela permet d’échanger connaissances, trucs et astuces pour mieux consommer. Échanger les savoirs, débattre des théories et des pratiques décroissantes, partager des moments de convivialité sans consommer. Se désaccoutumer ensemble de la consommation, de la pub, de la compétition, autour des mêmes valeurs... c’est cela la décroissance. C’est consommer moins pour vivre mieux (…).
T’investis-tu dans la vie politique ?
Cette démarche de simplicité volontaire est importante car elle est constructive et me _ permet de vivre mieux (…) Mais la simplicité volontaire ne suffit pas à définir la décroissance. La limite de nos petits actes décroissants quotidiens, la limite de la simplicité volontaire, c’est que ce même raisonnement doit être appliqué à la société entière pour que cela ait une véritable répercussion positive sur l’environnement. C’est également pour cela que je ne peux pas séparer mes actes quotidiens d’actions militantes pour sensibiliser les gens à l’ampleur du problème écologique et aux solutions véritables qui s’offrent à nous : organisation de débats publics, de projections de films qui font le point sur la crise environnementale, d’échanges de livres sur la décroissance, de manifestations anti-Mac Do, anti-OGM, anti-pub...etc.
Objectrice de croissance à ma petite échelle de conso-citoyenne, je souhaite également l’abolition de la production de masse, à l’échelle de la société humaine. (…) Une autre production, un autre commerce, une autre économie, une autre mondialisation et d’autres rapports humains sont possibles. Proposer la décroissance c’est proposer de commencer à réfléchir concrètement et ensemble à des solutions plus réalistes que le développement durable, à une véritable alternative de société, qui prenne enfin en compte les limites de la planète.
Quelles sont tes priorités militantes ?
Mon action militante part de l’échelle individuelle et locale mais je souhaite porter cette action vers l’échelle nationale et internationale. L’échelle individuelle et locale me permet d’expérimenter la décroissance au quotidien et de construire ma pensée. Cela passe par l’apprentissage de la déconstruction des rapports de domination (genre, hiérarchie...), l’autogestion, la non-violence, la désobéissance civile, la simplicité volontaire, les médias alternatifs et par la fréquentation des mouvements libertaires, écologistes, féministes, décroissants, anti-pub, anti-Mac Do, anti-OGM, anti-voiture...
(…) Les manifestations ne suffisent pas. La désobéissance civile ne suffit pas encore. Les modalités d’actions restent à déterminer, les possibles sont multiples et encore à l’état d’expérimentation, mais il me semble qu’un certains nombre de citoyen réfléchissent aujourd’hui à la désobéissance civile comme mode d’action et même s’y mettent. Il s’agit de se placer là où nous sommes dérangeants et visible de l’opinion publique. Utiliser les médias de masse, Internet, les médias alternatifs, la rue, les manifestations, les actes de désobéissances civile. Contacter les avocats qui soutiennent la sauvegarde des droits humains pour attaquer en justice les responsables de la pollution, qui sont des criminels, faire jurisprudence... Nous trouverons.
Quelles sont tes références ? de pensée ? d’action ?
Noam Chomsky, Hannah Arendt, Guy Debord, Armand Mattelard, Jean-Pierre Tertrais, mon père, mes amis, des militants libertaires et écologistes, et surtout penser par soi même.
Les collectifs des déboulonneurs, de la vélorution, des faucheurs volontaires, l’ouverture de squat politique, la création d’éco-quartier, José Bové, Pierre Carles, Sabina Guzanti, Gandhi, les zapatistes du Chiapas, Ernesto Che Guevara...