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Les chiffres, au service d’une alliance nouvelle entre économie, écologie et démocratie
Propos recueillis par Aurélien Boutaud
lundi 23 mars 2009, par
Jean Gadrey est économiste et professeur émérite à l’Université Lille1. Spécialiste de longue date des indicateurs socio-économiques, il est aujourd’hui membre de la Commission Stiglitz chargée de travailler à la définition de nouveaux indicateurs de progrès social. Mais cette position d’expertise ne lui sied guère : raison pour laquelle il est aussi l’un des fondateurs du Forum pour d’Autres Indicateurs de Richesse, qui vise à placer les processus de quantification au sein du débat démocratique.
Dans l’interview qu’il a bien voulu nous accorder, Jean Gadrey nous exprime son point de vue sur les débats de plus en plus passionnés qui entourent le Produit Intérieur Brut et ses possibles évolutions. En particulier, il aborde la question centrale de l’évaluation monétaire de l’environnement : avec ses limites, ses risques, ses dérives possibles, mais aussi ses potentialités. En la matière, Jean Gadrey plaide plutôt pour une pluralité d’indicateurs, physiques et monétaires, devant s’inscrire dans un processus de décision démocratique renouvelé.
EcoRev’ – Jean Gadrey, pouvez-vous nous expliquer rapidement ce qu’est le PIB ? d’où vient-il et que mesure-t-il ? Et pourquoi, à votre avis, ne peut-on pas le considérer comme un indicateur de bien-être ?
Jean Gadrey – Le PIB, une belle invention qui date du milieu du 20e siècle, a été conçu comme une mesure globale des "richesses économiques" produites dans la seule sphère marchande et monétaire. C’est très précisément la somme des valeurs ajoutées de toutes les unités de production privées et des administrations publiques. Il sert notamment à calculer la croissance économique, qui n’est autre que la progression du PIB, déduction faite de l’inflation. En gros, il y a croissance quand on produit plus de quantités de biens et de services.
Le problème principal ne vient pas de l’existence de cet indicateur, respectable et utile pour certaines analyses (en dépit de sérieuses incertitudes de mesure que je ne développe pas). Il vient de ce qu’il est fréquemment utilisé comme un indicateur de progrès social ou de condition nécessaire à ce progrès. C’est illégitime, car, par définition, le PIB et sa croissance ignorent nombre de facteurs qui contribuent au bien-être, soit positivement (comme le bénévolat, le travail domestique), soit négativement (le PIB mondial progresse avec la destruction des forêts). Il progresse quand on doit multiplier les activités de réparation des dégâts humains, sociaux ou écologiques, alors que le bien-être n’augmente pas. Et il est indifférent aux inégalités sociales. Il n’est donc en rien un indicateur de bien-être : on peut avoir une belle croissance alors que le bien-être, mesuré par divers indicateurs, décroît et que les dommages écologiques s’aggravent.
En matière d’écologie, quels sont les principaux problèmes posés par le PIB ? Comment l’environnement est-il comptabilisé… ou ignoré ?
L’environnement n’est nulle part comptabilisé dans le PIB, sauf sous l’angle des valeurs ajoutées monétaires issues par exemple de l’exploitation économique des ressources naturelles. C’est normal dans la logique du PIB : la nature n’a pas de valeur économique marchande, sauf quand elle fait l’objet d’appropriation privée (des terres, des forêts, du sous-sol…). On peut donc très bien détruire allègrement tout ce qui est gratuit, de la nature au lien social, sans aucune conséquence directe sur le PIB. Cela peut avoir des incidences économiques indirectes si, à terme, ces destructions finissent par freiner la croissance (c’est l’un des arguments du "rapport Stern" sur le réchauffement climatique), mais cela n’entre pas dans la mesure du PIB, qui n’est qu’un flux annuel de production monétaire. Il n’y a pas la moindre notion de patrimoine dans le PIB, qui est une sorte de ligne d’un compte d’exploitation annuel, pas un bilan.
Mais alors, faut-il (et peut-on) améliorer le PIB ? Quelles alternatives existent aujourd’hui en matière de monétarisation de ces multiples facteurs de bien-être qui ne figurent pas dans le PIB ?
La question de savoir s’il faut améliorer le PIB en étendant son périmètre et en l’enrichissant fait l’objet d’un débat assez vif où interviennent des acteurs divers, comptables nationaux, économistes, écologistes, associations... La question peut être posée autrement : faut-il tenter de "monétariser" (évaluer en unités monétaires) des facteurs de bien-être ou des patrimoines qui ne sont pas marchands : bénévolat, travail domestique, loisir, ressources naturelles gratuites, émissions de gaz à effet de serre, etc. ?
En résumé, ma propre position actuelle, mais elle évoluera peut-être avec ces débats, est que les principaux indicateurs dont nous avons besoin pour tenter de promouvoir la durabilité sociale et écologique et de réguler l’économie, sont des indicateurs non monétaires "à côté du PIB", pouvant progressivement acquérir autant et plus de légitimité que le PIB. Il s’agit notamment d’indicateurs de "santé sociale" (inégalités, pauvreté, exclusions diverses) et d’indicateurs de pression écologique. Leur institutionnalisation reviendrait à ce que l’on admette enfin que la richesse économique est au mieux un moyen, pas une fin, et que les fins ne s’expriment pas d’abord en dollars ou en quantités produites ou consommées.
Cela dit, je suis également favorable pour ma part à la mise au point et à la diffusion d’indicateurs de PIB enrichi, de "PIB verts", etc., construits sur la base de conventions issues de débats ouverts, et venant compléter des argumentaires en faveur du "développement durable". Je crois toutefois que cela ne marchera pas pour intégrer les questions sociales : attribuer une valeur monétaire à l’exclusion, aux inégalités et au lien social n’est guère envisageable, même s’il existe des économistes qui sont prêts à tout pour conserver le contrôle de l’expertise… En revanche, je suis plus optimiste pour certaines variables environnementales essentielles.
Ah ! Quelles sont les principales difficultés rencontrées dans ces tentatives ?
Il faut tout de suite évacuer une critique, qui n’est pas fondée selon moi. Attribuer conventionnellement (selon des conventions révisables avec le temps) une valeur monétaire à un hectare de forêt tropicale ou de zone humide protégée, à une tonne de CO2 émise ou évitée, ou même à des vies humaines préservées, ce n’est ni vouloir instaurer un marché, ni même parler de prix. La valeur socialement et politiquement déterminée d’une amende, d’une taxe ou d’une réparation en justice n’est pas un prix, même si on l’exprime en monnaie. Considérer qu’avec une politique qui coûte dix millions d’euros on peut sauver dix vies humaines dans un pays donné, qu’il s’agisse de politiques de transport, de conditions de travail ou d’écologie, ne signifie nullement qu’on a fixé le prix d’une vie humaine à un million ! Le prix de la vie n’existe pas, pas plus que le prix d’une forêt tropicale ou du rayonnement solaire. Le chiffre arbitraire d’un million d’euros que je viens de donner en exemple serait juste la valeur monétaire des mesures de prévention (accidents du travail, transports ou environnement) ou parfois de réparation, ou encore de sanctions pour "infractions", c’est selon.
De même, si l’on convient d’attribuer une valeur à certains "services de la nature", parfaitement gratuits et qui doivent le rester, sur la base d’un coût de remise en état (ce qui n’est pas toujours possible, car certaines dégradations sont irréversibles), par exemple la propreté d’un cours d’eau où des poissons et des végétaux peuvent à nouveau prospérer, cela ne signifie pas du tout que ce cours d’eau a un prix. C’est juste un indicateur utile aussi bien pour fixer des amendes que pour mener des politiques de durabilité et donc pour corriger le PIB si ce dernier compte positivement, comme c’est aujourd’hui le cas, la production d’entreprises polluant cette rivière, sans déduire les dommages ou "externalités" correspondants.
Mais il semble toutefois y avoir une limite à ce type d’extension. Il s’agit des cas, assez nombreux, où les dommages environnementaux sont irréversibles…
On peut parfois réparer presque intégralement des dommages écologiques moyennant une activité économique, ou "substitution du capital technique et humain au capital naturel". Lorsque les activités humaines ont conduit à une substitution négative (destructions écologiques), on peut faire machine arrière via une substitution positive, comme dans l’exemple du cours d’eau. Cette vision des choses renvoie à ce qu’on appelle la "soutenabilité faible", et c’est celle que privilégient les économistes, vu que leurs outils traditionnels y sont adaptés.
Peut-on quand même maintenir l’idée d’une valorisation monétaire quand on se réfère à la soutenabilité forte, lorsqu’il y a manifestement des dégradations irréversibles, notamment pour le réchauffement climatique, et, cas plus problématique encore, pour la biodiversité ? Ne faut-il pas alors se limiter à des indicateurs physiques d’alerte, qui existent, et qui sont, je le répète, les plus importants ?
Je n’en suis pas certain. Je ne crois pas qu’il faille exclure la monétarisation sur la base d’un a priori théorique ou éthique. Notre problème aujourd’hui est politique : il faut convaincre le plus grand nombre, et vite, de s’attaquer simultanément à la réduction des inégalités et à celle de la pression écologique d’une majorité d’individus (pas tous). Si des indicateurs monétarisés de "PIB verts" ou autres sont utiles pour cela, à côté des indicateurs "physiques" essentiels, et s’ils sont construits de façon transparente et démocratique, en pleine connaissance de leurs limites, alors il faut y aller ! Il faut recourir à tout ce qui peut faire mouche. Il faut pouvoir dire à la fois que des limites physiques existent, et que, même en restant dans le registre étroit du calcul monétarisé, une mesure élargie du PIB et de sa croissance indique une absence de progression, voire une régression, de la richesse ainsi comptée. Cela ne peut pas être l’argument principal, mais cela peut avoir une relative efficacité.
Comment faire dans ce cas ?
De bons exemples de PIB verts ou d’indicateurs de "bien-être durable" existent déjà dans certains pays. Les méthodes possibles sont très diverses. Je n’évoquerai que celle qui a ma préférence et qui n’est pas économique, mais politique et démocratique. En France, certains l’affublent du nom barbare de "valeur tutélaire" (voir l’intéressante note de veille n° 56 du Conseil d’analyse stratégique), ou, ce qui est mieux, parlent de "référentiel partagé" et de recherche d’un compromis intégrant un ensemble d’arguments défendus par des acteurs multiples.
Prenons l’exemple du réchauffement climatique et de la façon d’attribuer une valeur à ses conséquences destructrices (comme dans le rapport Stern) et à ses causes (les émissions de gaz à effet de serre). Une bonne partie du problème revient à savoir quelle peut être la valeur conventionnelle – qui n’est pas un prix – attribuée à la tonne de carbone émise. Les économistes vont nous souffler diverses méthodes (voir mon article "Du PIB au PIB vert ou comment compter la richesse autrement", paru dans Cosmopolitiques, n°13, octobre 2006). Il vaut mieux les éviter au départ. Car dès lors que l’on admet qu’il s’agit d’un problème politique, la vraie question est de fixer une valeur qui oriente les choix dans le bon sens, sur la base de l’idée suivante : émettre aujourd’hui une tonne de carbone au-delà d’un plafond écologiquement acceptable est une pollution grave qui ampute notre patrimoine collectif et va produire des dommages de plus en plus graves. C’est d’une certaine façon un délit. Pour l’instant il n’est pas reconnu comme tel, mais cela viendra.
Il faut donc, à côté des normes et des contraintes à édicter sur des bases physiques, à côté aussi de l’information et de l’éducation de tous les acteurs, jouer sur les incitations monétaires.
Mais pourquoi vouloir à tout prix (si j’ose dire) en passer par là ?
Parce que c’est efficace ! On peut le regretter, mais les amendes et les taxes sont aussi efficaces que la morale quand il s’agit de modifier des comportements de production et de consommation. Si les émissions de carbone en excès sont reconnues comme facteurs de destruction de ressources vitales, il faut à la fois les faire payer suffisamment cher via des taxes, et en soustraire la valeur conventionnelle du flux de richesses comptabilisées dans le PIB.
À nouveau : comment fait-on ?
On partirait pour cela d’objectifs exprimés en unités physiques (par exemple une division par deux des émissions d’ici 2025, par cinq d’ici 2050, avec une déclinaison par secteurs d’activité), objectifs à réévaluer régulièrement. C’est un premier niveau d’échanges. On organiserait ensuite des débats démocratiques, y compris des "conférences de citoyens", pour déterminer (avec ici l’apport d’économistes, d’écologistes, etc.) des tarifs "politiques" suffisamment dissuasifs pour atteindre ces objectifs. Ces tarifs serviraient à la fois à déterminer des taxes (progressivement croissantes, pour laisser des temps d’adaptation) et à fournir aux experts, à nouveau nécessaires, les outils de calcul des "PIB durables". Cette monétarisation politique et démocratique d’objectifs de soutenabilité forte est la seule qui permette d’intégrer, en amont, des seuils à ne pas dépasser, en faisant monter les tarifs non pas au fur et à mesure que l’on s’approche de l’inéluctable (ce que font toutes les méthodes économiques), mais bien avant. On n’attendrait pas de toucher le fond du puit pour signaler, tarifs dissuasifs à l’appui, que l’on risque de manquer d’eau un jour. La "vraie" valeur monétaire deviendrait celle qui permet d’éviter les catastrophes à terme, parce qu’elle induit des comportements "vertueux" (économes). Il est regrettable qu’il ait fallu attendre la forte hausse du prix du pétrole pour enregistrer d’importants changements de comportement des Français dans leur rapport aux transports. Au lieu de subir cette hausse, qui frappe plus les pauvres que les riches, on aurait dû l’organiser politiquement et socialement. Il n’est pas trop tard pour le faire, et d’ailleurs certaines collectivités locales s’y emploient.
On pourrait alors aboutir à des tarifs très élevés ?
Oui, bien plus élevés que les "prix" issus des méthodes économiques existantes. Selon un scénario de l’un des bons spécialistes français du réchauffement climatique, Jean-Marc Jancovici, le prix de la tonne de carbone auquel il faudrait parvenir progressivement si l’on souhaite infléchir fortement les comportements et éviter l’irréversible devrait se situer plus près de 1.500 euros (soit 420 euros la tonne de CO2) que des 100 euros qui avaient commencé à être pratiqués de façon timide sur le lamentable marché européen des "permis d’émission" avant qu’il ne s’effondre ! Il ne s’agit évidemment que d’une hypothèse de calcul (en l’absence, justement, d’un vrai débat national et international), elle me semble d’ailleurs excessive, mais il est intéressant d’en envisager les conséquences.
Un Français émettant en moyenne environ deux tonnes d’équivalent carbone par an, et la planète pouvant en séquestrer une demi tonne par habitant du monde, l’excès français représenterait, dans cette comptabilité "politique", un dommage "effet de serre" (sur une seule année ! Or nous sommes dans un domaine où les dommages sont cumulatifs) d’une valeur de 2.250 euros par habitant. Pour l’ensemble des Français, on obtiendrait environ 140 milliards d’euros, soit 15 % de la consommation finale des ménages (chiffres de 2005), et près de 9 % du PIB. Il resterait à examiner les conséquences économiques et sociales de l’instauration de taxes qui atteindraient par étape ces niveaux très élevés, socialement inacceptables pour certains. Mais il s’agit d’une autre question, celle de la juste répartition des économies de ressources naturelles, qu’il faudrait confier à des groupes de réflexion nouveaux.
Vous évoquez des conférences de citoyens et autres formes de participation directe aux processus de décision. Mais un "jury" de personnes tirées au hasard est-il en mesure de juger de questions aussi techniques que celles des indicateurs ? Un tel jury ne risque-til pas de proposer des valeurs trop faibles pour les dommages environnementaux, dès lors que chacun en commet ?
Oui, un tel jury peut se prononcer sur ces questions complexes, car ces procédures prévoient auditions, échanges contradictoires, formation approfondie des membres du jury. Non, je ne crois pas qu’il sous-évaluerait les tarifs des dommages, et donc les corrections à apporter au PIB, au contraire. D’abord, s’il est vrai que chacun commet de tels dommages, il est tout aussi vrai que chacun est sensible au sort des enfants et petits-enfants des générations présentes. Mais surtout, l’expérience tendrait plutôt à prouver que plus les gens sont informés et débattent, plus ils prennent conscience des risques de l’inaction ou de l’action insuffisante. Il faut méditer ce cas récent, isolé certes, mais impressionnant. Un jury britannique (il s’agit bien de jurés, pas de juges) vient d’acquitter des militants de Greenpeace qui avaient copieusement peinturluré la cheminée d’une centrale à charbon et auxquels le géant de l’énergie E.ON voulait faire payer 35.000 livres de dédommagement. Les jurés ont été convaincus que les dommages liés au réchauffement climatique qu’accélèrent ces centrales polluantes étaient bien plus importants que les dommages à la propriété privée de la centrale. Les débats ont été d’un très grand intérêt, allant jusqu’à utiliser l’argument qu’en développant ces centrales, la Grande-Bretagne se mettait en position de ne plus pouvoir agir internationalement contre leur multiplication ailleurs dans le monde…
En dépit de tout ce que vous dites, la monétarisation ne risque-t-elle pas de conduire à des marchés des permis d’émissions ou des "droits à polluer" ?
Non. D’abord, avant de condamner en bloc ces stratégies de quasi-marchés, au demeurant très particuliers puisque les prix dépendent avant tout de normes publiques, il faudrait réfléchir à la diversité des solutions qui s’offrent et que l’on peut combiner pour contraindre vraiment les acteurs à réduire leurs dommages environnementaux, en n’oubliant pas en route la justice sociale. Mais c’est une autre question. Ensuite, ce n’est pas parce qu’il existe des amendes pour excès de vitesse ou des sanctions pénales que cela conduit à des marchés des amendes ou des sanctions, qui seraient parfaitement possibles. La décision politique de créer de tels marchés n’a rien à voir avec ce qui précède, qui relève de la recherche de normes et de conventions par la délibération, à l’exact opposé des "lois" des marchés.
Mais je le répète à nouveau pour conclure : de tels indicateurs "monétarisés" ont de fortes limites et sont moins décisifs et moins précis que les indicateurs physiques d’alerte. Quand un incendie risque de se déclarer, il est plus important d’avoir des détecteurs de fumée, des extincteurs et des pompiers que des analyses des coûts de réparation… Mais pour autant, chiffrer le coût des mesures de prévention et prendre ces mesures en connaissance de cause en répartissant les efforts n’est pas négligeable, pas plus que l’estimation, même fragile, des dommages potentiels ou des incitations monétaires à mieux se comporter. Cela suppose une alliance nouvelle de l’analyse économique, de l’écologie et de la démocratie.