Accueil > Les dossiers > Depuis le 39, printemps-automne 2012 > N° 39 (printemps/été 12) / Le Commun ou la relocalisation du politique > Réaction au n° 39 : "L’air un bien commun"

Réaction au n° 39 : "L’air un bien commun"

lundi 13 mai 2013, par Association RESPIRE

L’association RESPIRE nous a fait parvenir l’article ci-dessous, œuvre collective rédigée par Alexis Rabaud, Sébastien Vray et Thibaut Vonthron, suite à la parution de notre numéro 39 "Le Commun ou la relocalisation du politique".


RESPIRE est une association de loi 1901, à vocation nationale, qui a pour objectif de prévenir les atteintes sanitaires de la pollution atmosphérique et d’améliorer la qualité de l’air. Elle émane de la volonté de personnes incrédules face à l’absurdité d’une situation connue depuis longtemps : la pollution de l’air, et du sentiment de devoir qu’elles ressentent à prendre part à la préservation du milieu de vie. Dès sa conception, elle s’est donnée l’action juridique comme moyen pour y parvenir.


L’air, ce bien commun de l’humanité, est indispensable à la vie. Cependant, il peut aussi avoir des effets nocifs si sa qualité est dégradée. La pollution constitue un danger immédiat pour la santé, un effet qui s’amplifie au fil des ans.
Les personnes les plus sensibles, comme les enfants, les personnes âgées, les grands fumeurs, les malades du cœur ou des poumons, sont les plus concernées par la pollution atmosphérique. Pour celles-ci, la pollution peut favoriser des maladies, en aggraver certaines, et parfois même précipiter le décès.

Reconnue comme une nécessité publique, la préservation de qualité de l’air est régie par une règlementation importante. Au niveau international, les lignes directrices de l’OMS concernant la qualité de l’air constituent l’évaluation la plus largement reconnue et la plus actuelle des effets de la pollution aérienne sur la santé. Elles préconisent des objectifs de qualité de l’air qui réduisent fortement les risques sanitaires. Ces lignes se déclinent au niveau européen par des Directives telle que celle sur la « qualité de l’air » de 2008.

Au niveau national, la charte de l’environnement, présente dans le préambule de la Constitution française, est censée en être la plus forte garante. L’article 1 est sans appel : « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. »

L’action de l’association RESPIRE s’inspire de l’article 2 de la Charte de l’Environnement : « Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement. »

La pollution est là où on ne l’attend pas …
Lorsque l’on marche à proximité d’un axe routier, on tousse et on se dit qu’on serait mieux dans sa voiture à l’abri de la pollution, protégé grâce à son habitacle. Malheureusement pour les automobilistes qui pensent se protéger, ceux-ci sont de manière générale plus exposés à la pollution atmosphérique lorsqu’ils sont dans leurs voitures que les piétons à proximité d’un axe routier. Un chiffre clé facile à retenir : deux fois plus de pollution dans la voiture que sur le trottoir (source Airparif).
24 heures d’expositions en Ile de France.

Airparif, l’organisme de mesure de la qualité de l’air en région parisienne, a organisé une expérience sur deux jours pour mesurer la pollution à laquelle est exposé un francilien tout au long d’une journée pendant ses déplacements. Une personne témoin a été équipée d’un capteur de pollution lors de ses déplacement en voiture, à vélo, à pied et dans les transports en commun. Ceci a permis à Airparif d’obtenir des taux d’expositions réels à un instant t en fonction de l’environnement et du transport utilisé : par exemple, un nourrisson est plus exposé à la pollution dans son siège auto que dans sa poussette sur le trottoir.

La qualité de l’air, élément essentiel du bien être
La qualité de l’environnement est une dimension essentielle du bien-être des personnes dans la mesure où la salubrité de l’environnement a une grande influence sur la qualité de vie des individus. Notre existence ne se résume pas à de grands chiffres froids comme le PIB et d’autres indices économiques, notre santé peut se mesurer autrement qu’avec un thermomètre. L’indicateur du vivre mieux de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économiques) intègre l’environnement comme indice du bien-être, à l’intérieur duquel nous retrouvons comme facteur principal la qualité de l’air.

L’indicateur du vivre mieux de l’OCDE

Marre d’entendre en permanence le mot croissance, ici et là, PIB pour tout et pour rien ou encore rentabilité ? Logique. Au delà de ces concepts de « personnes sérieuses », comme en parle le Petit Prince, il y a le bonheur, le bien-être, dont on sait tous qu’il dépend de beaucoup de paramètres, pas forcément identiques pour tous. En effet, s’il y avait un lien de cause à effet, nous le saurions et nous aurions donc doublé notre bonheur, depuis 1976, puisque nous avons doublé notre PIB.
Le bien-être est ressenti. Vivez-vous dans un logement décent, avez-vous accès à l’éducation, à l’emploi ? À quel niveau vous sentez-vous inséré socialement dans la société ? Quel est l’état de l’environnement autour de vous ? Quel est votre état de santé ? La liste des paramètres intégrés à l’indicateur de l’OCDE est la suivante : Logement, Revenu, Emploi, Liens sociaux, Éducation, Environnement, Engagement civique, Santé, Satisfaction, Sécurité, Équilibre travail-vie. Voilà bien d’autres paramètres que le PIB qui concourent effectivement à vous sentir bien. En négliger certains et le niveau ressenti de bien-être diminuera. Vous pouvez visiter le site à partir de ce lien :http://www.oecdbetterlifeindex.org

La mesure de la qualité de l’environnement
Parmi ces critères, il y a la qualité de l’environnement comme bien commun, un concept très large. Pour la mesurer, il serait nécessaire de rassembler plusieurs indicateurs, sur la qualité de l’environnement (sols, eau, air), sur l’accès des personnes aux services environnementaux ainsi que sur l’impact des sources de dangers présentes dans l’environnement sur la santé humaine. Mais pour des raisons de différences entre les pays et de la dispersion des données, ce sont des indicateurs concrets, mesurables qui ont été sélectionnés ainsi que des perceptions de la population. La qualité de l’air est un des principaux indicateurs pour mesurer la qualité de l’environnement.

La qualité de l’air, facteur important de la qualité de l’environnement
La qualité de l’environnement comme bien commun est une dimension essentielle du bien-être des personnes dans la mesure où la salubrité de l’environnement a une grande influence sur la qualité de vie des individus. La France n’est pas la championne de l’environnement. Pour l’eau, le bruit et la qualité de l’air, elle est en retard. Les contentieux dans le domaine environnemental concernent ainsi 17% des contentieux engagés par l’Union Européenne.
Pourtant, la qualité de l’air, sujet encore trop peu pris au sérieux par les autorités publiques, devrait bien figurer à leur agenda. Comme le souligne la partie Environnement du site Better life index : La pollution atmosphérique extérieure constitue un problème environnemental important qui pèse directement sur la qualité de vie des gens. En dépit des initiatives nationales et internationales et de la baisse des principales émissions de contaminants, les effets de la pollution atmosphérique urbaine sur la santé continuent de s’aggraver, et la pollution de l’air devrait devenir la première cause environnementale de mortalité prématurée au niveau mondial à l’horizon 2050.

Améliorer la qualité de l’environnement
Améliorer la qualité de l’environnement, c’est améliorer notre état de santé et concourir à améliorer notre état de bien-être. Améliorer la qualité de l’air devrait être un sujet important pour les pouvoirs publics, vu les problèmes sanitaires qu’elle engendre, et les autres externalités négatives qui en dépendent. Si par exemple le trafic routier était d’avantage régulé, on pourrait diminuer les gaz à effet de serre et donc participer à diminuer le dérèglement climatique, diminuer la pollution de l’air et améliorer la qualité de vie en ville, participer donc à réduire le nombre de problèmes cardiovasculaires, de problèmes respiratoires, de problèmes de grossesses, de problèmes neurologiques, etc. A croire qu’ils le font exprès. Peut-être que ça ne les intéresse pas, dans la mesure où la pollution génère une activité de réparation, une activité économique (même si elle paraît bien morbide) … donc du PIB. La boucle est bouclée. CQFD

Le confort de la résignation
« Approche psycho-sociologique de la quantification de la pollution de proximité au trafic dans l’agglomération parisienne », telle est le nom de la dernière étude d’AirParif, publiée en août 2012 pour mieux cerner le ressenti de la pollution de l’air par un certain nombre de Franciliens. Le résultat ? « Il faut faire avec ».
D’un côté, les Parisiens ont conscience du risque, mais de l’autre, ils ont du mal à l’appréhender concrètement. Cette pollution invisible (quoi que suffisamment olfactive parfois pour s’en apercevoir) rend difficile la représentation du risque. Le résultat est que ce problème flotte dans l’air comme une chose immuable. La pollution de l’air en ville est devenue, peu à peu, une donnée avec laquelle il faut composer, rangée dans la catégorie du "il faut faire avec" .

Le confort de la résignation, une posture (bien pratique) de la modernité
« Je ne veux pas lâcher un peu de mon confort pour le bien de tous, alors je dis qu’on est impuissant, que c’est comme ça  ». La résignation est une arme puissante … et pratique. Moins d’effort pour plus de confort, telle pourrait être un des adages de la modernité. Les conséquences dans tous ça ? La débauche d’énergie, la dépense inconsidérée, le gaspillage aveugle, la pollution. Mais qu’importe. C’est comme ça, on y peut rien. Surtout pas nous, individus pris dans les rouages du mécanisme géant de la société économique (facile et pratique également). Quelle est donc l’utilité à dépenser de l’énergie, physique et psychologique, pour se déplacer autrement, et ainsi chercher à diminuer l’ampleur d’une pollution qui touche tout le monde ? Aucune. Aucune parce que c’est comme ça, on y peut rien. Il faut faire avec. L’expression est à elle seule destructrice de toute tentative plus ou moins salvatrice. Elle exprime la toute puissance de ficelles invisibles qui régissent et guident nos vies. Elle évite de modifier un comportement. Elle est une excuse. Un aveu d’impuissance ? Pas complètement. Elle est aussi, cette expression, bien pratique pour rester dans son confort. Parce que le confort, c’est bien. Le confort c’est bon.

Si la pollution de l’air fait partie des préoccupations sanitaires majeures, l’exposition aux polluants aériens échappe en partie au contrôle individuel et nécessite que les autorités publiques fassent appliquer la loi (il est étrange d’avoir à demander le respect de la loi à celui qui la fait).

Reste la question suivante : si les mesures de protection ne s’appliquent pas pour les citoyens, qui protègent-elles alors ?