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Les arrêtés anti-OGM
lundi 10 janvier 2005, par
Les « zones sans OGM » se multiplient en France grâce à l’action de municipalités, soutenus par les associations et les agriculteurs. Les élus locaux tentent ainsi de faire valoir leur droit face aux représentants de l’Etat et aux décisions de l’union Européenne. La bataille juridique fait rage. Christophe Noisette nous éclaire ici sur les arguments et les enjeux de ce débat.
Aucune réponse n’a été véritablement apportée aux interrogations concernant les OGM ; or l’Union européenne a décidé de reprendre les autorisations, mettant fin au moratoire en vigueur depuis 1998. Les autorisations d’importation et de transformation des maïs Bt11 de Syngenta et NK603 de Monsanto se fondent sur la nouvelle réglementation (directive 2001/18) et sur une législation relativement stricte sur l’étiquetage et la traçabilité. Cependant, plusieurs acteurs, dont les agriculteurs biologiques, jugent le cadre législatif incomplet du fait de l’absence de réglementation stricte sur la coexistence et la responsabilité en cas de contamination, loin d’être tranchée. En attendant, les maires, les régions, les parcs naturels, etc. souhaitent pouvoir décréter leur territoire "zones sans OGM". Cependant, il n’existe pas de subsidiairité au sein de l’UE sur cette question : les procédures d’autorisation restent centralisées au niveau communautaire (pour les cultures commerciales) et au niveau des Etats membres (pour les essais en champs). Le niveau local ne peut donc rien dire, ni agir…
Il y a 4 ans une campagne Pas d’OGM dans ma commune a été lancée par différents collectifs locaux, ATTAC 45, le Mouvement Ecologiste Indépendant, et Terre Sacrée, obtenant des engagements des maires de France. Elle a rapidement pris une ampleur nationale. Les maires se sont donc engagés juridiquement en imposant des actes d’interdiction d’essais et de cultures sur le territoire de leur commune. Objectifs : répondre à la demande des citoyens et apporter une solution rapide face à l’imminence du danger, à savoir les autorisations de mise en culture d’OGM. Plus d’un milliers de communes ont pris ce type d’arrêtés.
L’intérêt réside dans son caractère obligatoire. À long terme, la reconnaissance de la compétence du maire est en jeu. Mais, aucune position définitive n’a encore été arrêtée par le juge administratif : le débat reste ouvert.
Enjeux et risques d’annulation
Suite aux différents jugements rendus par les Tribunaux administratifs, les arrêtés se sont affinés, complétés par l’analyse de juristes : l’arrêté doit avant tout être strictement défini quant à son objet (désigner les types de cultures transgéniques visés, culture ou essais en plein champ). Il doit également mettre en avant les circonstances locales (risque de contamination d’une culture particulière, biologique ou labellisée). Cette condition est importante car elle permet de fonder la compétence du maire, qui n’est pas automatique. En effet, le préfet met souvent en avant le fait qu’en matière de dissémination volontaire d’OGM, la décision revient aux autorités étatiques au titre de leur pouvoir de police spéciale. Dans le cas de l’ordonnance rendue par le Tribunal administratif de Toulouse sur l’arrêté pris par le maire de Bax, le juge a rejeté l’argument du préfet visant l’incompétence du maire puisqu’il a considéré que les autorisations ministérielles ne prenaient pas en compte les situations locales particulières notamment la présence d’exploitations d’agricultures biologiques et donc que le maire pouvait agir pour compléter les dispositions prises par le ministre.
L’arrêté du maire doit s’appuyer sur des demandes écrites de producteurs bio ou labellisés de sa commune, le cahier des charges de l’Agriculture biologique excluant absolument toutes traces d’OGM. Autres conditions déterminantes : une interdiction ne peut jamais être générale et absolue. L’arrêté doit donc fixer une période (en général d’une année culturale selon chaque type de plante). Il doit aussi mentionner les parcelles visées et se cantonner aux limites du territoire communal.
Le maire peut fonder son arrêté sur le principe de précaution, qui lui permet d’interdire une culture ou un essai de produit transgénique tant que différentes études n’auront pas prouvé l’innocuité de ces produits pour la santé humaine et l’absence de contamination des autres cultures
Le maire peut aussi mettre en avant ses pouvoirs de police générale (le but de celle-ci étant la protection de la sécurité, de la tranquillité et de la salubrité publique), ou profiter de la révision des Plans d’occupation des sols (désormais Plans locaux d’urbanisme) pour écarter les cultures OGM des autres cultures (classiques et bio).
Le préfet dispose de différentes voies de recours contre ces arrêtés : recours gracieux adressé au maire pour retirer son arrêté ou le modifier, puis éventuellement recours en annulation, exercée devant le juge du tribunal administratif. Le préfet dispose d’une procédure particulière : le déféré préfectoral.
Quels risques sont encourus par le maire lorsqu’il prend un arrêté anti-OGM ? Dans l’hypothèse d’une annulation, le maire ne risque en aucun cas de voir sa responsabilité personnelle engagée, mais la commune peut être obligée à payer le remboursement des frais de justice exposés par le requérant (estimée entre 750 euros à 1500 euros).
Dans le cadre d’une procédure d’urgence, le préfet peut exercer un référé-suspension ou un référé-liberté. Le référé-suspension permet de saisir le juge administratif rapidement afin qu’il suspende l’arrêté, le préfet devant simplement démontrer l’existence d’un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté. Dans le cas de la commune de Bax, le juge a en première instance rendu une ordonnance, sans jugement sur le fond. Il a reconnu la compétence du maire mais en appel, le juge de la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté cet argument en affirmant qu’il n’y avait pas de péril imminent. Par conséquent, ce sont les autorités ministérielles qui sont compétentes pour réglementer les disséminations volontaires d’OGM.
Le référé-liberté est une procédure d’urgence qui permet de constater une atteinte grave à une liberté individuelle ou publique (liberté du commerce et de l’industrie). Les administrés disposent du recours pour excès de pouvoir et du référé-suspension. Le recours pour excès de pouvoir devra être mis en œuvre par une personne ayant un intérêt à agir. L’objectif de ce recours est l’annulation de l’arrêté si il est reconnu comme illégal.
Christophe Noisette
Pour consulter des modèles d’arrêtés, une carte des "zones sans OGM" en France : www.infogm.org.