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Biomasse : retour de flammes

vendredi 9 septembre 2005, par Guillaume Bourtourault

La biomasse, source d’énergie de premier plan depuis la maîtrise du feu par les hommes, est actuellement en passe de devenir le combustible de procédés de haute technologie dans un contexte international dynamique.

La biomasse regroupe l’ensemble des matières non fossiles d’origine végétale ou animale. Le statut de la tourbe prête ici à discussion : la réglementation européenne y voit un charbon jeune quand d’autres voudraient y voir de la biomasse à un stade avancé de dégradation. La biomasse et les déchets représentaient en tous cas 64 % de l’énergie primaire tirée des ressources renouvelables de l’Union européenne en 2002. L’énergie hydraulique ne pesait alors que 31 % de ce bilan. Mais la valorisation de la biomasse se fait discrète : utilisée dans de multiples secteurs et à de multiples applications, son développement ne peut être aussi spectaculaire que celui de l’éolien. L’utilisation banalisée d’huile de colza dans la formulation du diesel vendu aujourd’hui en France est par exemple passée complètement inaperçue de la population.

On peut distinguer trois filières d’utilisation de la biomasse à des fins énergétiques : la production de chaleur, la production d’électricité, et la production de biocarburants ou biocombustibles. Dans chacune de ces filières, la biomasse représente une source d’énergie que l’on ne peut déjà plus négliger. L’éthanol d’origine végétale, produit par la fermentation de sucres d’origines variées, est aujourd’hui utilisé par Total dans la fabrication d’un additif mélangé à l’essence. Les huiles végétales, elles, constituent déjà en moyenne 2 % du diesel vendu à la pompe en France. 0,6 % de l’électricité produite aujourd’hui en France provient de la biomasse ou des déchets. Enfin, près de 10 % de la chaleur consommée sur le territoire provient de cette même ressource. Pour illustration, notons simplement que les foyers français produisent autant de chaleur à partir de bois que par chauffage électrique. Globalement, la France tire plus de 4 % de ses besoins en énergie de sa biomasse et de ses déchets.

Mais peut-on considérer la biomasse comme une source d’énergie renouvelable ? Pour s’en convaincre, il nous faut retracer le cycle naturel des éléments. La plante utilise l’énergie solaire qu’elle reçoit pour combiner chimiquement le dioxyde de carbone (CO2) capté dans l’atmosphère et l’eau (H2O) trouvée dans le sol et construire ainsi la matière végétale : c’est la photosynthèse. L’énergie solaire est ainsi stockée dans la matière constitutive de la plante. Pour récupérer cette énergie, les différents systèmes de valorisation énergétique de la biomasse tendent à dégrader la matière végétale (ou animale) en CO2 et H2O suivant le chemin inverse.

C’est donc l’énergie solaire qui est indirectement récupérée à travers la bûche ou le suif que l’on brûle. Les sels minéraux absorbés par la plante au cours de sa vie redeviennent alors cendres et peuvent retourner à la terre pour favoriser la croissance des jeunes plantes. La boucle est bouclée et les bioénergies sont renouvelables.

L’argumentation se complique si l’on considère les trois points suivants :
– les systèmes inefficaces de valorisation de la biomasse, comme les cheminées traditionnelles par exemple, produisent de nombreux polluants toxiques et persistants dans l’environnement,

– l’exploitation de la ressource, c’est-à-dire sa production, sa collecte et son transport, coûte de l’énergie : essence des tronçonneuses, diesel des camions, électricité des hangars de stockage. Les sources d’énergie mobilisées sont en général non renouvelables,

– enfin, le cycle du CO2 n’est effectivement fermé que si le CO2 généré est bien absorbé par des plantes en croissance, c’est-à-dire que la ressource biomasse exploitée doit être entretenue et pérennisée, voire développée. Dans le cas contraire, les cendres s’accumulent, la forêt recule, et l’effet de serre augmente.

C’est précisément sur ces trois points que l’industrie travaille actuellement. L’objectif des développements techniques actuels est d’une part d’industrialiser des méthodes durables et économes d’exploitation de la ressource et d’autre part de mettre sur le marché des procédés efficaces et propres.
Dans l’exploitation de nos ressources biomasse, nous en sommes encore en France à l’âge de la cueillette : nous collectons les déchets générés par l’industrie du bois ou du papier, nous commençons tout juste à séparer la fraction fermentescible de nos déchets ménagers, la valorisation des déchets agricoles, elle, n’en est qu’à ses balbutiements, et les branchages, petit bois, et autres souches restent pour l’instant pourrir en forêt. Tandis que 75 % de la croissance naturelle des forêts sont exploités en Suède, seule la moitié de cette croissance est valorisée en France. La culture de taillis dédiée à la valorisation énergétique est encore expérimentale et les professionnels du bois, de la forêt, comme les agriculteurs prennent tout juste conscience de l’énorme marché qui s’ouvre à eux pour la production de biocombustibles.

Dans un nombre important de pays, de nouveaux moyens de valorisation de la biomasse sont en cours de développement à toutes les échelles et pour toutes sortes d’applications.
Du poêle à bois portatif économe en combustible jusqu’à la bioraffinerie capable de transformer de la paille de blé en diesel ultra-propre. Les motivations sont différentes : d’un côté, les mongols meurent de cancers du poumon ou de la gorge à cause de leur foyer à bois utilisé à l’intérieur même de la yourte, de l’autre, les Allemands s’inquiètent de leur approvisionnement en carburant et veulent valoriser un savoir-faire industriel riche hérité de l’Allemagne de l’Est.

La nécessité d’un pilotage politique

La politique agricole commune, tout comme l’ensemble des réglementations européennes et nationales sur les déchets jouent un grand rôle dans la structuration des filières d’approvisionnement en biomasse. Sur le continent en effet, des millions d’hectares en jachère pourraient bientôt accueillir des cultures énergétiques, et des dizaines de millions de tonnes de déchets de biomasse seront bientôt complètement interdites de décharge, et donc disponibles pour la valorisation énergétique.

Les enjeux sont immenses pour l’environnement et le développement des zones rurales. Le rapprochement et la concertation des différents acteurs concernés, énergéticiens, industriel du bois, de la forêt, de l’agriculture ou des déchets, ne peuvent évidemment se faire sans le pilotage du politique. Car non seulement il faut trouver une conjonction d’intérêts de tous ces industriels, mais il faut en plus que les synergies se retrouvent géographiquement. Car la biomasse, très dispersée sur le territoire et peu dense énergétiquement, perd tout avantage économique et énergétique lorsqu’elle est transportée sur de longues distances. Il faut donc coordonner les acteurs régionalement pour faire naître cette industrie du 21e siècle.
Certains l’ont déjà bien compris, comme le CEA ou l’IFP, qui veulent être les artisans d’une plate-forme nationale de recherche et de développement des bioénergies.
Les pôles de compétitivité pourraient participer de cette dynamique, et les régions sont déjà nombreuses à postuler. Une période décisive et passionnante s’ouvre aujourd’hui aux bioénergies.

Guillaume Bourtourault

Messages

  • cette analyse concerne uniquement l utilisation de la biomasse comme carburant de chauffage ,en bref le chauufage au bois traditionnel.

    la biomasse s utilise de bien d autres facons en particulier dans la production de compost et remplace les engrais et autres intrants de l agriculture" chimique" il s agit la de valoriser des dechets qui sont negligés ou detruits de diverses facons voir meme entreposés dans des espaces voués aux dechets agricoles ou ils occasionnent des pertes de surfaces cultivables.

    si l on considère le destin des tontes de gazon ou de haies qui encombrent les dechetteries et générent des couts de transport vers les lieux de collecte puis d utilisation finale , et donc de la pollution et du gaspillage, il serait trés profitable de globaliser les collectes et utiliser localement l ensemble des dechets organiques recyclables qui peuvent servir au chauffage collectif et aux amendements agricoles , ce qui eliminerait en outre les incinérateurs si nocifs.

    il s avère donc que si l on ne cherche pas la polémique ou la critique de l utilisation de la biomasse celle ci est le moteur du developpement harmonieux du monde de demain

  • l’intéret des biocarburants est à relativiser , en effet, dans le contexte de production agricole intensive actuel, on utilise de l’engrais azoté de synthèse coûteux en énergie (1 m3 de gaz /kg d’azote), plus la distillation (éthanol), il ne reste alors plus grand bénéfice.