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Energie en sous-sol
vendredi 9 septembre 2005, par
La géothermie permet de récupérer grâce à des systèmes de pompe la chaleur présente sous la terre pour la convertir en énergie. En se substituant aux radiateurs électriques, les pompes à chaleur peuvent réduire de moitié la consommation électrique des logements.
On regroupe sous le terme de géothermie toute l’énergie thermique qui peut être récupérée dans le sous-sol, que ce soit à 30 cm ou 5000 m sous la surface. Il faut bien comprendre que l’énergie alors récupérée provient de différentes sources.
L’énergie récupérée jusqu’à quelques mètres de profondeur vient directement du rayonnement solaire, qui réchauffe les couches superficielles du sol. Pour collecter cette énergie, on fait circuler un fluide dans un serpentin de grande longueur disposé horizontalement sous la pelouse du jardin à une profondeur que le gel n’atteint pas. Il faut en effet que l’air et l’eau circulent librement à travers le sol au contact du tube, afin de permettre à la chaleur de se propager. Si le sol atteint des températures proches de zéro en hiver, l’énergie retirée au sol par le serpentin peut faire passer sa température en dessous de zéro, et geler le sol autour du tube. La terre gelée constitue alors un isolant qui empêche la circulation d’air et d’eau avec les zones plus chaudes, et diminue ainsi fortement l’efficacité du système.
L’énergie que l’on peut tirer du sol entre quelques mètres et quelques dizaines de mètres vient en réalité des nappes phréatiques qui se trouvent à cette profondeur. La chaleur récupérée provient alors de la chaleur emmagasinée dans l’eau des nappes, qui n’est autre que l’eau de pluie infiltrée. Cette chaleur vient donc de l’atmosphère où l’air et l’eau des nuages sont réchauffés par le rayonnement solaire. Cette énergie vient donc également du soleil, mais elle a été accumulée dans le sol par l’intermédiaire de l’eau de pluie. L’avantage de la chaleur des nappes par rapport à la chaleur de la terre de surface est triple :
l 1 litre d’eau à 12°C contient beaucoup plus d’énergie qu’un litre de terre à 12°C. L’énergie stockée dans les nappes est donc beaucoup plus importante ;
l Les nappes plus profondes et plus riches en énergie ont une température beaucoup plus stable au cours de l’année. Typiquement, celle-ci peut varier de 10°C l’hiver à 13°C l’été, tandis que la température de la terre de surface peut varier de 5 à 25°C ;
l Enfin, les nappes constituent des rivières souterraines, dont on peut facilement déterminer le cours et le courant. L’eau dont on tire l’énergie est ainsi sans cesse renouvelée, ce qui évite un réchauffement ou un refroidissement de l’eau trop important.
Le dispositif de récupération est alors constitué de puits reliant la base du bâtiment à la nappe. La chaleur est alors récupérée soit directement en pompant l’eau de la nappe pour extraire son énergie en surface et la réinjecter plus froide à la nappe, soit au moyen d’un fluide intermédiaire qui transporte l’énergie en circuit fermé entre la nappe et le bâtiment.
Enfin, la part de la chaleur provenant directement de la chaleur interne de la terre devient significative à partir de quelques dizaines de mètres sous la surface du sol, et s’accroît avec la profondeur. Les systèmes actuels de géothermie profonde vont chercher la chaleur jusqu’à quelques milliers de mètres, comme c’est le cas à Soultz-sous-Forêt, en Alsace. On creuse alors des puits d’injection d’eau, et des puits de pompage. L’eau injectée sous pression se réchauffe en filtrant dans les roches souterraines sur un parcours de quelques centaines de mètres avant d’être pompée par le puit suivant. Les niveaux de température et de puissance permettent alors de produire de l’électricité en surface. Mais l’installation de Soutlz-sous-forêt est la seule de ce type à être encore expérimentée aujourd’hui en Europe, le site allemand basé sur la même technologie ayant été provisoirement mis sous cocon, en attendant de pouvoir financer les dizaines de millions d’euros nécessaires...
Les pompes à chaleur
à moyen terme, seuls les systèmes à faible profondeur pourront donc apporter une contribution significative à la demande énergétique. Or ces systèmes ne peuvent extraire une chaleur à plus de 100°C que s’ils sont localisés dans des zones volcaniques et sismiques actives, et les températures de plus de 40°C sont réservées à des zones thermales circonscrites. Dans la majorité des cas, la géothermie de surface et la géothermie sur nappe ne permettent donc de ne récupérer qu’une chaleur "basse température", entre 5 et 25°C. Il est alors nécessaire d’utiliser une pompe à chaleur, dispositif technique permettant de "concentrer" cette chaleur, pour atteindre une température de 35°C minimum et assurer le chauffage des habitations ou de l’eau sanitaire. Le principe de la pompe à chaleur est celui du réfrigérateur : elle "pompe" la chaleur dans le milieu froid, l’intérieur du réfrigérateur (6°C) ou l’eau de la nappe phréatique (12°C), et la libère dans le milieu chaud, l’extérieur du réfrigérateur ou l’intérieur de l’habitation (19°C). Dans un cas, l’objectif est de refroidir l’intérieur du réfrigérateur, dans l’autre cas de réchauffer l’intérieur d’une habitation. Les pompes à chaleur peuvent donc utiliser d’autres sources d’énergie que la chaleur du sol pour fonctionner : l’air extérieur, un cours d’eau voisin, un lac ou un étang peuvent être utilisé comme source de chaleur. Mais ce travail de concentration de la chaleur a un prix : la pompe à chaleur comme le réfrigérateur consomment de l’énergie électrique. Et c’est précisément sur ce point que les pour et les contre se déchirent. Les premiers mettent en avant que pour chaque unité d’électricité consommée par la pompe à chaleur, trois ou quatre unités d’énergie sont apportés par le sol, l’air, ou l’eau. Les seconds voient au contraire dans la pompe à chaleur le cheval de Troie d’EDF pour maquiller de l’électricité nucléaire en énergie renouvelable. Que doit-on en penser ?
Il est vrai que la pompe à chaleur a longtemps constitué l’unique réponse d’EDF au développement des énergies renouvelables. Il est également vrai que les climatiseurs, qui ne sont autres que des pompes à chaleur fonctionnant à l’envers pour pomper la chaleur de l’habitation et la restituer à l’atmosphère, contribuent significativement à la consommation d’électricité durant les périodes creuses de l’été. Enfin, il est vrai que des pompes à chaleur mal dimensionnées ou mal installées valorisent très mal les sources de chaleur renouvelables et ressemblent finalement beaucoup à un chauffage électrique. Mais faut-il pour autant condamner ces systèmes ? La réponse est simple.
Avant de condamner la pompe à chaleur, c’est le chauffage électrique traditionnel qu’il faut interdire. Une pompe à chaleur bien installée a toujours de meilleures performances que le simple convecteur, alors pourquoi installe-t-on encore des convecteurs ? Parce que c’est le moins cher. La pompe à chaleur géothermique puisant la chaleur d’une nappe phréatique peut parfois dégager 5 fois plus de chaleur qu’elle ne consomme d’électricité, c’est-à-dire que 80 % des besoins en chauffage sont alors couverts par la chaleur renouvelable de la nappe. La pompe à chaleur réversible, qui chauffe l’hiver et rafraîchit l’été, permet ainsi de stocker dans le sol la chaleur de l’été qui sera récupérée en hiver. Elle économise ainsi l’investissement du climatiseur, et présente des performances énergétiques bien supérieures : il est beaucoup plus facile, et donc moins consommateur d’énergie, de puiser de la fraîcheur dans un sol à 14°C que dans une atmosphère à 35°C ! La pompe à chaleur géothermique offre donc une très bonne solution pour limiter la consommation électrique de la climatisation estivale, véritable problème outre-atlantique, tout en assurant un chauffage économe, fiable et "riche" en énergie renouvelable l’hiver.
Cette réflexion nous donne un bon aperçu de l’apport potentiel de la géothermie à notre bouquet énergétique : tous les logements chauffés électriquement situés à proximité d’un espace vert, d’une nappe phréatique, ou d’un cour d’eau diviseraient leur consommation électrique au moins par deux en adoptant un système géothermique. Ce raisonnement est généralisable à quasiment tous les logements chauffés électriquement si l’on considère les pompes à chaleur puisant la chaleur de l’atmosphère, même si le gain énergétique est moindre avec ces systèmes. Pour s’en convaincre il n’y a qu’à regarder l’exemple de la Suisse : plus aucun chauffage électrique n’y est installé, tandis que le marché de la pompe à chaleur représente 23 % du marché du chauffage en 2004 !
Guillaume Bourtourault