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L’Economie verte expliquée à ceux qui n’y croient pas

Pascal Canfin

dimanche 15 avril 2007, par Sarah Tessé

Les Petits Matins, 2007, 152 p., 14 euros

La conciliation de l’économie et de l’écologie est-elle possible ? Mieux, l’écologie peut-elle être au cœur d’une économie politique et non son supplément d’âme ? Pour Pascal Canfin, il s’agit de prouver que oui à "ceux qui n’y croient pas", en premier lieu les amis que l’auteur, journaliste et président de la commission "Économie et social" des Verts, rencontre au cours d’un week-end en Normandie. Ces sceptiques le questionnent – souvent sarcastiquement – sur ce que les Verts peuvent bien avoir à dire sur les grandes questions qui traversent le débat politique actuel. Ça tombe bien, les amis en question représentent le "panel" idéal des Français d’aujourd’hui, ce qui permet à Pascal Canfin de se positionner sur le chômage, la mondialisation, le pouvoir d’achat, la dette, le service public etc. Autant de sujets que l’on n’associe pas nécessairement à l’écologie. L’auteur argumente, chiffre, et discute, n’oubliant jamais de partir des problèmes quotidiens, des difficultés et des interrogations particulières de son interlocuteur pour l’emmener ensuite vers un débat économique plus chiffré et plus général. Le premier intérêt de ce livre d’économie un peu singulier tient à sa forme, car il refuse les raisonnements macro-économiques bien huilés mais coupés de la réalité du consommateur ou du salarié, pour partir de situations concrètes et dégager des propositions à partir d’elles. Tout ceci dans un style presque badin, puisqu’il ne s’agit quasiment que de dialogues : du théâtre économique en quelque sorte…Le deuxième intérêt tient aux propositions présentées. Le fond ne respecte pas plus que la forme les conventions de l’économie classique. Les concepts fondateurs sont examinés, critiqués. Ainsi, avant de déterminer combien d’emplois une économie centrée sur l’écologie pourrait créer, l’auteur se demande dans une interrogation quasi philosophique quels liens entretiennent le travail et le bonheur, pour remettre en question la place centrale du travail dans nos sociétés. Cette approche permet, en levant des tabous, de trouver des solutions neuves : comme la reconnaissance d’une société de "pleine activité", au lieu de l’objectif – toujours admis comme une évidence – du "plein emploi". Autre exemple de fausse évidence : la nécessité de créer des produits toujours plus techniquement performants. Canfin propose un système où des emplois seraient créés… en recyclant et réparant des objets anciens, au lieu de produire des objets neufs. Ou encore quand il explore une voie nouvelle au sujet des licenciements en suggérant que les salariés puissent eux-mêmes acheter leur entreprise. En cherchant sans cesse à montrer que les situations sont plus complexes qu’on ne le croit, en évitant de s’enfermer dans un débat pro ou anti ( pour ou contre le libéralisme, la mondialisation, la dette publique…), l’auteur évite cependant les écueils d’une critique radicale des fondamentaux de l’économie libérale. Ainsi, en évitant à la fois le productivisme de droite et celui de gauche, il propose une vision nouvelle de l’économie qui met en avant l’importance des services de proximité, la fiscalité écologique, la défense des entreprises sociales et solidaires, des coopératives, une mondialisation qui soit celle du droit social et environnemental. Ceci donne un livre à la fois agréable à lire et stimulant, moins une bible de l’économie verte qu’une boite à outils et à propositions pour que l’écologie ne soit pas simplement la caution de l’économie mais son principe d’organisation. Et une mine d’arguments pour expliquer que les principes de l’économie libérale classique ne sont pas absolus… à ceux qui n’y croient pas.

Sarah Tessé