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Garantir le revenu, histoire d’une utopie concrète
Laurent Geffroy
octobre 2002, par
Garantir le revenu, histoire d’une utopie concrète, La découverte, Laurent GEFFROY.
Ce livre est une référence qui en fait un outil pour toutes les personnes
qui s’intéressent à la garantie des revenus et aux questions sociales mais
aussi à une bonne méthodologie en sciences politiques. Laurent Geffroy
réalise un tour exhaustif de la question tant d’un point de vue historique
dans la première partie, théorique dans la seconde partie et politique dans
la dernière sans s’enfermer dans les clivages idéologiques récurrents sur
cette question mais sans oublier certains apports au débat souvent niés
comme ceux du courant opéraïste et du mouvement de l’autonomie ouvrière.
Il distingue trois types de droit au revenu, le revenu-obligation pour les
plus démunis, le revenu-incitation (au travail) et le revenu-émancipation
dont il résume l’objectif : « l’enjeu dépasse la simple distribution d’un
revenu. Le nouveau droit doit rendre possible l’émancipation d’une double
tutelle : celle du salariat précaire et aliénant, et celle de l’aide
sociale, modeste et humiliante. Les impératifs invoqués font alors
référence à une citoyenneté nouvelle dans le cadre d’une communauté
politique réinventée. »
Dans la première partie, nous apprenons que de nombreuses villes ont tenté
de mettre en oeuvre diverses formes de revenus garantis, de Besançon en 1975
à Paris en 2002, que le débat autours du RMI a été très riche pour aboutir
à la forme insatisfaisante actuelle d’une obligation à l’insertion
(impossible à mettre en ?uvre). De nombreux socialistes dont Jean-Michel
Belorgey s’étaient opposés à l’obligation de l’insertion, défendant ainsi
plutôt un droit au revenu sans conditions, autre que financières. Depuis,
l’obligation de l’insertion en contrepartie d’un revenu s’est imposée aux
chômeurs à travers le PARE.
Dans la deuxième partie, une présentation objective de l’apport des travaux
de Van Parjis est très intéressante en ne se limitant pas à une
présentation uniquement libérale mais en tenant compte des discussions avec
Rawls. Un chapitre sur les utopies post-salariales replace les travaux de
Gorz et d’autres auteurs dans leur apport à la critique du salariat et du
désir d’autonomie et non à la thématique de la fin du travail.
Enfin, la troisième partie montre le renouveau du combat politique pour la
garantie de revenu en montrant l’apport des nouvelles contestations issues
des minorités actives. « Les luttes ne sont plus engagées par la classe
ouvrière, dépassée depuis la crise fordiste, mais par des catégories de la
population - femmes, chômeurs, immigrés, étudiants, etc. Le combat ne vise
désormais non plus le maintien de l’emploi ou l’augmentation du salaire
mais la satisfaction des besoins. » Traitées de « post-gauchistes », elles
sont en rupture avec les luttes menées par les organisations trotskistes,
obligées de reculer lors du mouvement des chômeurs de l’hiver 97 en
acceptant le slogan de compromis : Un travail est un droit, un revenu est
un dû.
Nous aurions deux seuls regrets à émettre, le premier est de n’avoir pas
cité le site de Jean Zin à sa juste valeur
(http://perso.wanadoo.fr/marxiens/politic/revenus) comme la compilation de
nombreux textes sur le revenu garanti et uniquement comme le site des
travaux de l’inter-commission revenu des Verts dont nous avions publié le
texte de synthèse dans le numéro 7 d’Ecorev’. Le deuxième point est la sous-
estimation du résultat du travail de l’inter-commission en liant la
question de la garantie de revenu, de financement du temps partiel et du
tiers-secteur.