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Les trois écologies
mardi 17 mai 2005, par
L’écologie a des significations radicalement différentes selon l’utilisation politique qui en est faite. Plutôt que de vouloir rassembler des stratégies antagonistes, on doit la scinder au contraire en trois tendances contradictoires. Telle est la cartographie d’un panorama dressé par Jean Zin il y a déjà douze ans ... Retour sur un tableau incisif qui a bien peu changé.
1. L’écologie fondamentaliste et réactionnaire, dont le mot d’ordre est "respectons les lois de la nature" reprend les argumentations des droites traditionnelles (légitimistes, royalistes, autoritaires, fascistes) sur l’ordre naturel inégalitaire, la division des fonctions, la ségrégation des populations, l’hygiénisme, le biologisme et la normalisation. La liberté humaine y représente le mal absolu contre la loi naturelle et contraignante d’une harmonie originelle et non discutable.
2. L’écologie environnementaliste libérale et centriste dont le mot d’ordre est "la qualité de la vie" se réduit à préparer les futures industries de l’environnement, l’intégration de la gestion des déchets de l’économie et la sauvegarde de parcs de loisirs, d’ensembles touristiques, de musées d’espèces rares, destinés aux cadres privilégiés d’un capitalisme sauvage qui sait qu’il doit séduire, par l’artifice d’une nature reconstituée, les meilleurs diplômés et les assurer qu’ils pourront profiter idéalement des avantages matériels qu’on leur fait miroiter (la Vraie Vie !) et d’une liberté naturelle garante de prospérité. Pour le libéralisme, la liberté est instrumentalisée, ravalée au rang de moyen pour le marché. Liberté du plus fort et loi du possédant.
3. L’écologie politique, enfin, dont le mot d’ordre est "prise en compte de la totalité et maîtrise de notre environnement, des conséquences de nos actions sur nous-même et notre avenir", reprendre le contrôle de l’économie, imposer la prise en compte des besoins réels et des nuisances indésirables, globaliser les problèmes au niveau mondial, corriger la force mécanique de l’évolution par la volonté d’un développement contrôlé, démocratique, équilibré, rationnel et diversifié. La liberté est, de ce point de vue, un idéal, la dignité de l’homme qui doit être reconnue supérieure à toute autre rationalité (économique, géopolitique, biologique) et doit atteindre à l’effectivité qui ne peut plus être que mondiale, à la mesure des enjeux du temps. Il ne s’agit pas de protéger une nature originelle, ni de protéger et rentabiliser les richesses naturelles mais de prendre possession de notre monde, s’opposer aux logiques inhumaines d’un développement tyrannique et aveugle, fonder un nouvel être-ensemble, de nouvelles solidarités contre la société marchande et ses intérêts à courte vue.
Jean Zin