Accueil > Les dossiers > De l’automne 2004 à l’automne-hiver 2005/2006, du n° 18 au 21 > N° 19 (printemps 2005) / Soigne ta droite ! Vers une écologie de droite ? > Dossier > Les trois écologies

Les trois écologies

mardi 17 mai 2005, par Jean Zin

L’écologie a des significations radicalement différentes selon l’utilisation politique qui en est faite. Plutôt que de vouloir rassembler des stratégies antagonistes, on doit la scinder au contraire en trois tendances contradictoires. Telle est la cartographie d’un panorama dressé par Jean Zin il y a déjà douze ans ... Retour sur un tableau incisif qui a bien peu changé.

1. L’écologie fondamentaliste et réactionnaire, dont le mot d’ordre est "respectons les lois de la nature" reprend les argumentations des droites traditionnelles (légitimistes, royalistes, autoritaires, fascistes) sur l’ordre naturel inégalitaire, la division des fonctions, la ségrégation des populations, l’hygiénisme, le biologisme et la normalisation. La liberté humaine y représente le mal absolu contre la loi naturelle et contraignante d’une harmonie originelle et non discutable.

2. L’écologie environnementaliste libérale et centriste dont le mot d’ordre est "la qualité de la vie" se réduit à préparer les futures industries de l’environnement, l’intégration de la gestion des déchets de l’économie et la sauvegarde de parcs de loisirs, d’ensembles touristiques, de musées d’espèces rares, destinés aux cadres privilégiés d’un capitalisme sauvage qui sait qu’il doit séduire, par l’artifice d’une nature reconstituée, les meilleurs diplômés et les assurer qu’ils pourront profiter idéalement des avantages matériels qu’on leur fait miroiter (la Vraie Vie !) et d’une liberté naturelle garante de prospérité. Pour le libéralisme, la liberté est instrumentalisée, ravalée au rang de moyen pour le marché. Liberté du plus fort et loi du possédant.

3. L’écologie politique, enfin, dont le mot d’ordre est "prise en compte de la totalité et maîtrise de notre environnement, des conséquences de nos actions sur nous-même et notre avenir", reprendre le contrôle de l’économie, imposer la prise en compte des besoins réels et des nuisances indésirables, globaliser les problèmes au niveau mondial, corriger la force mécanique de l’évolution par la volonté d’un développement contrôlé, démocratique, équilibré, rationnel et diversifié. La liberté est, de ce point de vue, un idéal, la dignité de l’homme qui doit être reconnue supérieure à toute autre rationalité (économique, géopolitique, biologique) et doit atteindre à l’effectivité qui ne peut plus être que mondiale, à la mesure des enjeux du temps. Il ne s’agit pas de protéger une nature originelle, ni de protéger et rentabiliser les richesses naturelles mais de prendre possession de notre monde, s’opposer aux logiques inhumaines d’un développement tyrannique et aveugle, fonder un nouvel être-ensemble, de nouvelles solidarités contre la société marchande et ses intérêts à courte vue.

Jean Zin

Messages

  • Merci pour la diabolisation de l’écologie dite fondamentaliste. Vous exposez ici vos croyances, pas la réalité (en tout cas pas de façon complète) .

  • Parti pris évident.
    Les méchants et stupides écologistes fondamentalistes contre les sages et visionnaires écologistes politiques. Soit dit en passant, un écologiste fondamentaliste qui fait de la politique, il se classe où ?
    On le voit par une série de modalisations et d’amalgames. En effet, il est facile, par exemple, d’injecter une connotation négative dans le mot "réactionnaire". Mais effectivement, il est plus facile d’améliorer son statut social en divisant les écologistes en diverses classes plus ou moins appréciées par l’opinion publique et en s’incluant dans la classe, que l’on vient de créer, la plus aimée.
    Seulement... je ne vois pas la 4ème classe : écolo de pacotille (ne sachant pas ni raisonner ni argumenter).

    Nunatack

    Voir en ligne : http://gotcha.con

  • L’écologie (comme la décroissance d’ailleurs) sont des outils idéologiques utiles, puissants et pertinents pour aujourd’hui ; mais attention à ne pas les confondre avec des catégories politiques. En effet, ces deux concepts sont incapables par eux-mêmes de signifier selon quelle orientation (sens) telle ou telle société se dirige et s’organise : l’émancipation-libération ou la domination-aliénation. Dire et penser "écologie-politique" revient à entretenir une confusion, un flou intellectuel, car l’écologie (comme la décroissance) ne sont pas intrinsèquement à l’abri de s’accoupler avec des politiques tout à fait compatible avec le capital pouvant aller jusqu’au fascisme. Un de nos combats prioritaires est donc de conjuguer-décliner l’écologie (et la décroissance), mais au coeur des chantiers actuels, intellectuels et pratiques, de l’émancipation humaine et sociale