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La Nouvelle Écologie politique

vendredi 27 février 2009, par Luke Haywood

La Nouvelle Écologie politique. Économie et développement humain, Eloi Laurent et Jean-Paul Fitoussi, 120 p., 11,50€
"La République des idées", Le Seuil, 2008

Nos sociétés sont en train de détruire l’environnement – face à ce constat, quelle réponse politique ? Deux positions intenables : faire confiance au marché, ou espérer une décroissance qui creusera encore les inégalités. Telle est l’équation de base que font Fitoussi et Laurent, chiffres et études à l’appui (issues essentiellement des sciences économiques). Ils retracent les différentes manières des économistes d’envisager la question écologique, insistent sur la dimension dynamique de l’environnement et ses interactions avec les institutions politiques, économiques et sociales. D’un côté ils constatent l’insuffisance – voire le danger – d’un manque de régulation politique des marchés et prônent une réponse étatique forte. De l’autre côté, ils contestent la possibilité d’une décroissance qui ne s’effectuerait pas sur le dos des plus pauvres. Ils vantent un État redistributif face aux inégalités "socio-écologiques", au cœur des problèmes environnementaux. Et, avec originalité et persistance, montrent qu’une réduction des inégalités est liée à un moindre impact écologique – non seulement l’empreinte de la richesse est particulièrement lourde, mais les inégalités accentuent aussi la course à la consommation et aux symboles de statut social.

Enthousiastes sur cette perspective d’un double dividende social et écologique, les auteurs proposent une refonte de l’écologie politique qui accorde la part belle à la réduction des inégalités. Ils opposent décroissance économique à décroissance des inégalités, sans distinguer clairement décroissance matérielle et récession. Ils affirment que "la décroissance qui compte vraiment est celle des inégalités", posant que "la" décroissance s’effectuerait nécessairement sur le dos des plus pauvres : "Comment concevoir dans la France d’aujourd’hui la décroissance comme horizon du développement humain, alors que l’Insee comptabilise près de 8 millions de pauvres ?" A cela on peut répondre qu’à l’échelle mondiale, la décroissance des plus riches se présente plutôt comme la seule condition qui permettra une croissance économique des plus pauvres. Une réduction des inégalités planétaires nécessiterait peut-être une réduction de la consommation des plus riches. C’est l’idée de "contraction and convergence" – mot d’ordre des décroissants (qui sont accusés ici de défendre un retour à la caverne). Par exemple, la France, pays de référence dans ce livre, aurait un long chemin à faire avant d’atteindre le niveau d’égalité matérielle de certains pays scandinaves – mais les habitants de ces pays ont encore une empreinte écologique très supérieure à celle qui nous permet d’éviter le pire en termes de changement climatique.

Il est donc dommage que les auteurs ne préconisent pas des solutions radicales qui pourraient vraiment inverser la crise écologique, et s’interdisent d’affronter de vrais problèmes comme la croissance de la population mondiale. Ce livre s’avérera néanmoins très utile comme brève introduction argumentative à l’économie de l’environnement.

Luke Haywood