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Ni Dieu ni Maître : les Réseaux
De la remise en question des rapports de pouvoir, réflexions autour des travaux de Manuel Castells
lundi 1er août 2011, par ,
Tout comme André Gorz, Jean Zin ou Joël De Rosnay, Manuel Castells [1] fait partie du petit nombre de théoriciens qui ont su et savent analyser très finement les potentialités du numérique, jusque dans leur remise en cause des rapports de pouvoir. C’est cette capacité qui lui permet de percevoir avec acuité les bouleversements sociaux économiques et politiques en cours et d’identifier les prémisses d’une "société de l’intelligence", chère à André Gorz et apte à constituer le cadre d’un dépassement civilisé du capitalisme [2].
L’environnement communicationnel qui émet les signaux à partir desquels nous ressentons, nous pensons et nous agissons subit une transformation profonde depuis plus de dix ans. Une transformation qui s’accélère avec l’avènement de ce que Manuel Castells nomme l’auto-communication de masse [3].
Hiérarchie, rapports de domination et rareté : des théories et des pratiques remises en cause par le numérique
En 2011 lors des manifestations sur le bassin méditerranéen, des femmes portant le voile brandissent en guise de pancartes revendicatrices des claviers d’ordinateur à bout de bras, un symbole fort éclairant de cette révolution. Ces femmes pour qui la sortie de l’enfermement, les discussions, les partages d’expériences, l’accès à la connaissance sont liés à l’utilisation du réseau, revendiquent ici clairement l’usage d’une nouvelle forme de liberté qui jette les bases d’un mouvement citoyen d’émancipation désormais mondialisé. Cet exemple illustre combien le réseau participe pleinement à la remise en cause du "pouvoir", tout comme il participe plus largement à la mise en œuvre de nouveaux rapports sociaux pour toute une génération de jeunes. Des jeunes pour qui les conditions de création des logiciels libre, le partage du savoir et des connaissances, et plus largement l’échange permanent sont des évidences dont ils sont incapables d’imaginer l’absence, le paiement, la rareté – concept essentiel à la reproduction du capitalisme.
Au cœur de nouveaux rapports sociaux, la mise en réseau mondialisée bouscule fortement les anciens modes d’organisation et notamment celui de l’information : les récentes révolutions arabes ont ainsi été télévisées de manière inhabituelle grâce principalement à l’interconnexion d’AlJazeera et d’Internet avec la mise en place d’un mode de communication direct et bidirectionnel vers les portables créant de fait un système à la fois de communication de masse traditionnel et d’auto-communication de masse. La communication vivante, constante, des processus de transformation politique en cours s’est donc faite à partir de ce qu’il se passait sur Internet : n’importe qui pouvait filmer un événement – lutte, dérapage ou massacre – avec son téléphone portable et diffuser immédiatement le document sur Youtube avec une simple connexion Internet. C’est donc sous nos yeux que la production et la diffusion de l’information mondiale ont progressivement cessé d’être l’exclusivité des canaux traditionnels (agences de presse mondiales, officines publiques, etc.)
Cette convergence croissante entre communication de masse et auto-communication de masse a des conséquences considérables sur la capacité de mobilisation sociale puisqu’elle permet notamment aux citoyens d’être de plus en plus acteur de l’élaboration de l’information diffusée [4].
Il est plus efficace de manipuler les mentalités que de torturer le corps
Mais il serait extrêmement naïf de sous-estimer les résistances de ceux qui souhaitent, à tout prix et quelque niveau que ce soit, garder l’exercice de la moindre once de pouvoir, fussent-ils des tenants d’idées philosophiques et politiques de gauche. Que le pouvoir soit exercé au travers de l’expertise d’un métier spécialisé, d’une place dans la hiérarchie de l’entreprise ou dans celle d’un parti politique, et jusqu’au sein de la cellule familiale, personne n’est épargné tant dans sa vie privée que dans sa vie publique. Or l’économie de marché capitaliste ne peut perdurer que si chacun est impacté dans un système qui doit impérativement le canaliser, le mettre dans une case, lui fournir une place au sein d’une hiérarchie dont il ne doit pas pouvoir s’extraire. Il est donc logique que le système capitaliste cherche à maitriser les réseaux pour essayer de les utiliser à son avantage et perpétuer l’aliénation.
Mais là où il y a du pouvoir existent des contre-pouvoirs : c’est à travers le pouvoir institutionnalisé comme domination et les défis portés à cette domination – par des acteurs sous représentés dans les institutions ou porteurs de valeurs alternatives – qu’évoluent et se transforment les institutions. Dans cette dialectique, tout au long de l’Histoire, les contrôles de la communication et de l’information ont été des sources fondamentales de pouvoirs et de contre-pouvoirs. C’est le cas plus que jamais dans une société comme la notre, structurée autour de l’articulation de réseaux de communication numériques multi-niveaux et multi-modales dans toutes les dimensions de l’organisation et de la pratique sociale : la bataille du pouvoir se joue essentiellement dans le cerveau des citoyens [5].
La capacité de surveillance n’est pas la capacité de contrôle
L’auto-communication de masse rend possible la capacité instantanée et régulière de communication grâce à la construction autonome de réseaux de communication. En échappant largement au contrôle des gouvernements et des grandes entreprises médiatiques, et sauf à le débrancher, l’Internet actuel est incontrôlable : on peut identifier qui émet et qui reçoit un message et éventuellement punir le messager, le capturer, mais le message continu d’être diffusé.
Sur ce concept d’auto-communication de masse, Manuel Castells a construit une typologie des processus de transformation : les mouvements sociaux ne sont pas directement des mouvements politiques mais d’abord des mouvements qui agissent sur la transformation des valeurs qui régissent nos sociétés, sur nos manières de faire, de penser et de ressentir. Ce sont des mouvements d’idées et de valeurs plutôt que des mouvements d’organisation d’appareils politiques. Ils peuvent donc exister sans organisation préexistantes ou avec une organisation ad-hoc qui disparaît avec le mouvement. Il est alors possible pour les citoyens de s’exprimer sur un grand nombre de domaines, de mettre à mal de nombreuses politiques injustes, sans pour autant tomber dans le populisme et l’anti-intellectualisme primaire : les experts et les spécialistes trouvent ici toute leurs places en tant que citoyen et non en tant que caution du système dominant.
C’est donc la transformation des rapports de pouvoir dans l’ensemble du monde – puisque quasiment 90% de la population mondiale est connectée via un mode de communication numérique [6] – qui se met en œuvre à partir de la transformation organisationnelle, technique et culturelle de la communication. Des révoltes surgissent ainsi en marge des systèmes institutionnels et agissent directement sur le processus politique institutionnel. Depuis les communautés de pratiques politiques instantanées – révoltes populaires immédiates qui s’organisent à partir de moments d’indignation collectifs et qui utilisent ensuite la communication mobile et les réseaux sociaux sur Internet pour se diffuser de manière virale, afin de déboucher très rapidement sur une mobilisation massive et une action concrète face à une problématique bien identifiée [7] – jusqu’aux mouvements socio-politiques qui articulent la proposition de nouvelles valeurs d’organisation sociale avec une critique radicale du système politique en place, visant à créer des institutions répondant à ces nouvelles valeurs. Il s’agit de changer le système politique pour faire passer de nouvelles valeurs et non simplement de changer de gouvernement.
Ensemble pour avoir moins peur
Typiquement dans tous les cas il existe une étincelle qui surgit d’un événement qui touche les émotions et suscite l’indignation, un des leviers essentiels des révoltes dans l’Histoire, dans une ambiance très chargée d’oppression, d’humiliation et de rage contenue que l’étincelle fait exploser en permettant le dépassement de la peur, autre moment essentiel et base de toutes révoltes. Car si la peur est la plus fondamentale des six émotions primaires et est essentielle à la survie, elle peut aussi devenir un processus d’enchaînement et empêcher de vivre. Et c’est essentiellement en se regroupant que les individus la gère.
Dans ce contexte, les réseaux sociaux qui permettent de façon rapide et peu risquée d’être constamment ensemble et de constituer des groupes sécurisants, sont par ailleurs un levier puissant permettant à ces groupes d’investir l’espace publique urbain en se retrouvant dans les rues pour manifester, puis dans les lieux où la communauté s’organise. Avec une caractéristique essentielle : l’impossibilité pour les partis politiques ou religieux de prendre le contrôle du mouvement sous peine de le dissoudre suivant les clivages pré-existants pour chaque individu [8]. Ensuite dès lors que le mouvement de révolte exprime ce que beaucoup de citoyens pensent, le mouvement s’élargit, les contradictions internes du mouvement s’accentuent et les dominants tentent de coopter une partie du mouvement, tandis que dans le même temps le mouvement utilise ce phénomène pour élargir et approfondir sa contestation. Une nouvelle situation de pouvoir se créée.
"On ne twitte pas la révolution" nous disent les intellectuels new-yorkais... mais la révolution concrète en Égypte n’aurait pas eu lieu sans Twitter ! [9]
L’étincelle tunisienne : l’immolation du vendeur ambulant Mohammed Bouazizi à Sidi Bouzid en Tunisie. Les images relayées immédiatement via les réseaux sociaux provoquent des révoltes spontanées et la répression d’État y répond. Tout cela est relayé par AlJazeera reçut par 40% des foyers urbains tunisiens puis des journalistes participent activement au mouvement (qui débouchera sur la condamnation de Ben Ali).
Par la suite le premier slogan de la première manifestation en Égypte sera : "La Tunisie est la solution", remplaçant de fait le mot d’ordre traditionnel "L’Islam est la solution". La solution ne viendrait donc plus de Dieu mais du réseau ! [10]
Il y a bien évidement des racines préalables à cette révolution, notamment dans les massacres du 6 avril 2008 à Mahallah Al-Koubra, mais c’est d’abord sur le réseau numérique que s’est exprimé la confluence de l’indignation vis à vis de la brutalité du régime, de la misère économique et de la corruption politique, sous une forme émotionnelle qui s’est ensuite diffusée dans le réseau urbain. Une fois le mouvement en marche, la force brute n’a pas pu le dominer malgré les nombreuses tentatives. C’est d’ailleurs la première fois qu’un gouvernement coupe Internet complètement pendant 5 jours, sans pour autant faire cesser la communication sur le réseau (même si 93% du trafic a cessé). L’échec de cette "grande déconnexion" est dû avant tout au fait qu’une fois que ce type mouvement est amorcé, on ne peut plus l’arrêter car il trouve des formes de communication nouvelles qui s’adaptent aux contraintes. Pour qu’il n’y ait pas de communication possible au sein du mouvement il faut qu’il n’y ait pas de mouvement. Il faut donc se retirer du réseau car ses révoltes sont imprévisibles [11].
La contestation a besoin pour s’exprimer d’une étincelle mais également d’une forme organisationnelle qui ne peut pas être directement isolée et réprimée.
Bien sur les mouvements tunisien ou égyptien ne sont pas reproductibles en tant que tels mais le processus analytique qu’ils décrivent peut encore se reproduire à l’avenir car la transformation des mentalités s’est d’ores et déjà produite dans l’esprit des jeunes du monde arabe. Une perspective d’émancipation démocratique qui constitue probablement le meilleur rempart contre le terrorisme.
Le réveil de l’Europe ?
Si les révoltes arabes ont été beaucoup suivies et commentées en Europe, ça n’est pas le cas pour ce qui se passe en Espagne actuellement. Présenté comme une protestation contre la crise économique, le mouvement espagnol des Indignados est en fait fondamentalement politique. Avant les élections municipales prévues le 22 mai dernier, des manifestations ont eu lieu dans toute l’Espagne le 15 mai suite à un appel lancé par un groupe inconnu du grand public appelé "Democracia Real Ya !" ("Une démocratie réelle maintenant !") constitué d’habitants de Madrid qui préparaient un mouvement de protestation politique depuis 3 mois.
Ce groupe a eu l’intelligence de percevoir que leurs concitoyens étaient avant tout indignés du creux des discours politiques de tous les partis dans un contexte socio-économique délétère. A l’aide d’un simple manifeste de 2 pages au contenu éthique très simple, sans aucune organisation préalable, ce petit groupe à appelé le peuple à manifester. Suite à des manifestation de plusieurs dizaines de milliers de personnes le 15 mai, de petit groupes de militants ont décidé d’établir des campements à Madrid et à Barcelone et ont commencé à discuter de la manière de constituer cette démocratie réelle. Ils ont alors "twitté" leurs amis qui ont "twitté" les leurs et au bout de quelques jours ils étaient des milliers dans près de 60 villes. Le but affiché du mouvement : dénoncer la fausse démocratie des partis et élaborer ensemble des propositions (et non proposer directement) pour mettre en place de nouvelles formes d’organisations politiques pour contrôler les banques, éradiquer la corruption, remettre en cause l’austérité budgétaire, la politique de logement et du travail, etc.
Dans ce processus un seul pouvoir de décision a été reconnu, celui de l’assemblée constitué par celles et ceux qui se réunissent effectivement. Par la suite des centaines de commissions différentes se sont créées dans les différentes villes.
"On est lent, parce qu’on va loin !"
Pas d’organisation, pas de leader, des rotations des modérateurs dans les assemblées et des portes paroles vers les médias, des modes d’expression silencieux et collectifs pour ne pas déranger le voisinage le soir et éviter la confiscation de la parole par quelques-uns, etc. Chaque assemblée souveraine a donc cherché de nouvelles formes de démocratie en la faisant dans un processus très lent. Seule action coercitive du mouvement, l’interdiction d’alcool et de drogue, et un principe fondamental, la non violence absolue quoi qu’il arrive [12].
En agissant ainsi le mouvement a obtenu une légitimité sociale et le peu de violences qui ont eues lieu jusqu’à présent ont été immédiatement condamnées par le mouvement lui même. Ainsi, selon les enquêtes, 84% de la population espagnole est d’accord avec les revendications du mouvement et 90% pensent que les partis politiques sont inefficaces. Cet état de fait est au cœur de ce mouvement politique non partisan qui refuse de se constituer en parti et appelle à voter nul ou blanc [13].
"Ils ne nous représentent pas !"
L’initiative spontanée de quelques personnes lancée et coordonnée par Internet, associée à l’occupation de l’espace publique dans une articulation étroite entre l’agora de l’Internet et celle de la ville – avec comme référence le mouvement populaire islandais [14] ainsi que le refus de leaders et d’organisations autres que les assemblées et les commissions – débouche contre toutes attentes sur un processus politique qui fonctionne. Avec deux grands thèmes, ne pas payer la crise créée par les banques et critiquer le système politique, ce mouvement essaye de construire l’avenir de la démocratie en la faisant, en s’organisant pour savoir comment faire pour lutter contre des mesures politiques et économiques concrètes qui aggravent les conditions de vie et pour lesquelles ils n’ont pas été consultés. Ce faisant le niveau intellectuel des débats lors des assemblées est élevé, du fait de la formation universitaire de beaucoup de chômeurs qui ont par ailleurs du temps pour lire, et génère des débats philosophiques de très haut niveau.
Constatant la force et l’appui social de ce mouvement, après les avoir ignoré dans un premier temps en les qualifiant de marginaux et de violents, politiciens et intellectuels essayent dorénavant d’appliquer leurs catégories au mouvement en posant de fausses questions : Quelle organisation ? Quel leader ? Quel programme ? Mais ce mouvement qui se cherche, qui sait ce qu’il ne veut pas et est en quête de ce qu’il veut, n’a que faire de ces questions.
C’est le retour de l’utopie des assemblées, avec une différence de taille cette fois ci : l’existence des réseaux numériques qui pourvoient des formes flexibles et changeantes d’organisation et de débat, d’appel au secours, de distribution d’idées et d’initiatives, de décisions collectives distribuées, etc. Les personnes en mouvement ne sont jamais seules, toujours connectées ensemble elles n’ont pas peur. "Toutes ensembles, nous pouvons !". Et pour le moment l’essentiel est de pouvoir être ensemble pour découvrir une nouvelle forme de démocratie.
Agir local et penser global grâce au réseau
Tout ceci débouche sur une mobilisation sociale et politique qui s’élabore de manière interactive, démocratique et efficace. C’est dans ce contexte qu’émergent actuellement dans la société, comme André Gorz l’avait depuis longtemps analysé [15], des cultures économiques alternatives non capitalistes de production, de consommation, d’échanges, qui se sont renforcées avec la crise et qui trouve une visibilité grâce au réseau : prêts d’argent sans intérêt, autoproduction alimentaire en zones urbaines (AMAP et jardins partagés), autoproduction et réparation vestimentaires, ateliers coopératifs de réparations matérielles (voitures, électroménager, etc.), prise en charge bénévoles d’enfants et de personnes âgées hors du champs familiale, etc.
On comprend alors pourquoi un mouvement qui présente des valeurs différentes trouve une résonance : d’une part en réaction aux pratiques politiques et d’autre part car de nombreux citoyens sont déjà dans une autre culture dans leurs pratiques quotidiennes.
A l’échelle mondiale les pouvoirs en place se retrouvent confrontés à une pratique collective qui s’exprime via des réseaux construits à partir de projets d’acteurs qui cherchent à se constituer en sujet de la nouvelle Histoire. Face à cette opportunité historique de pouvoir enfin construire une écologie politique du peuple, par le peuple et pour le peuple, il est primordial de comprendre le rôle central joué par le réseau et l’importance qu’il y a à préserver les fondamentaux techniques de sa mise en œuvre. Alors que le réseau Internet a dès son origine été élaboré techniquement selon des principes philosophiques d’émancipation propices à une véritable démocratie, les tenants du pouvoir essayent dorénavant de modifier l’architecture technique initial du réseau pour le soumettre à leurs intérêts. Pour contrer ces attaques, Internet tel qu’il a été crée doit devenir un droit humain fondamental et la bataille à mener autour de l’architecture et le contrôle des réseaux devient alors une bataille essentielle qui conditionne dorénavant toutes les autres [16].
Anita Rozenholc & Emmanuel Dessendier
[1] Cet article s’inspire librement d’une conférence tenue récemment à Paris par Manuel Castells dans le cadre de sa Chaire "Analyse interdisciplinaire de la société en réseaux" récemment crée au sein du nouveau Collège d’Études Mondiales que développe la Fondation Maison des Sciences de l’Homme. Cette conférence est visible en ligne : http://www.archivesaudiovisuelles.f.... Voir également Manuel Castells, Communication Power, Oxford University Press, 2009, à paraître bientôt en français aux Éditions de la FMSH.
[2] André Gorz, L’immatériel. Valeur, capital, connaissance, Galilée, 2003.
[3] Alors que la communication de masse se fait d’un émetteur vers une foule de récepteurs avec interactivité limitée et contrôlée, l’auto-communication de masse est l’émission de messages de beaucoup d’émetteurs vers beaucoup de récepteurs, de manière interactive (tout émetteur est aussi récepteur), multi-modale, en temps choisi, à la fois locale et globalisée, à travers des réseaux de communication largement incontrôlés.
[4] Grâce à ce que Manuel Castells nomme la galaxie Internet, constituée des réseaux sociaux numériques et d’Internet et qui s’est enrichie dernièrement de la communication sur plateforme portable sans fil. Il y a environ 2,2 milliards d’internautes à travers le monde (44% en Asie, 30% en Europe, 13% aux États Unis) mais l’essentiel du phénomène est dû à l’explosion de la communication sur plateforme portable sans fil : alors qu’en 1991, il existait 16 millions de numéros de téléphones portables, actuellement il y a plus de 5,3 milliards d’abonnés. En exceptant les classes d’âge extrêmes, Manuel Castells estime que quasiment 90% de la population mondiale est aujourd’hui connectée via un mode de communication numérique.
[5] En effet le pouvoir, en dernière analyse, réside dans nos cerveaux, dans un processus complexe ou nos décisions sont largement conditionnées par nos sentiments eux mêmes conditionnées par nos émotions (cf. notamment les travaux en neurosciences d’Antonio Damasio). Et si violence et persuasion s’articulent de façon variable en fonction du contexte, un pouvoir essentiellement fondé sur la violence est un pouvoir faible dès lors qu’il perd sa légitimité dans nos consciences.
[6] Grâce à ce que Manuel Castells nomme la galaxie Internet, constituée des réseaux sociaux numériques et d’Internet et qui s’est enrichie dernièrement de la communication sur plateforme portable sans fil. Il y a environ 2,2 milliards d’internautes à travers le monde (44% en Asie, 30% en Europe, 13% aux États Unis) mais l’essentiel du phénomène est dû à l’explosion de la communication sur plateforme portable sans fil : alors qu’en 1991, il existait 16 millions de numéros de téléphones portables, actuellement il y a plus de 5,3 milliards d’abonnés. En exceptant les classes d’âge extrêmes, Manuel Castells estime que quasiment 90% de la population mondiale est aujourd’hui connectée via un mode de communication numérique.
[7] Plusieurs études de cas menées par Manuel Castells en Espagne, en Corée du sud, aux Philippines, en Équateur, en Ukraine, en Iran ont permis de constater à chaque fois que les mouvements populaires étudiés avaient effectivement changé la politique. Même en Iran selon l’auteur, car la population (composée à 70% de personnes de moins de 30 ans) est à présent consciente de la brutalité du régime et de la possibilité de s’y opposer. Ce processus irréversible aura probablement des conséquences politiques importantes dans les années à venir, d’autant que le pays connait actuellement encore de nombreuses mobilisations avec 700 000 blogueurs, dont 40% de femmes très actives sur le réseau.
[8] En essayant de manipuler et contrôler le mouvement en Égypte, les frères musulmans ont rapidement compris que s’ils insistaient dans cette voie, ils ne seraient pas suivis. Les quelques factions les plus radicales ont d’ailleurs été écartées par les manifestants eux mêmes, et surtout par les femmes.
[9] Si en Égypte seul 20% de la population est connectée, les personnes de 16 à 40 ans vivant au Caire et à Alexandrie sont connectées à 68% et représente la population capable de se mobiliser.
[10] Ce qui fera dire à un cadre de Google Egypte, Wael Ghonim figure de proue de la contestation anti-Moubarak, s’adressant publiquement à la foule égyptienne après sa libération : "J’ai toujours dit que si vous voulez libérer une société, il suffit simplement de leur donner l’accès à Internet". Si cette position est caricaturale, on ne peut nier l’importance du réseau dans les révoltes arabes.
[11] Certains gouvernements réfléchissent d’ailleurs à la possibilité de se retirer d’Internet. Par exemple le gouvernement iranien étudie actuellement la possibilité de mettre en place un Internet iranien coupé du reste du monde et contrôlé par le gouvernement. Tandis que le congrès américain débat d’un projet de loi proposé par le Tea party pour organiser un système de déconnexion automatique d’Internet en cas d’émergence de mouvements socio-politiques.
[12] Avec une pratique interne adaptée qui consiste a s’asseoir en cercle autour des personnes violentes en scandant "pas de violence !" et en les filmant, que ces personnes fassent partie du mouvement ou non.
[13] Ce qui a probablement participé à la déroute de la gauche aux élections du 22 mai puisque les sympathisants du mouvement sont majoritairement de gauche.
[14] André Gorz, Misères du présent. Richesse du possible, Galilée, 1997.
[15] Qui a débouché sur la décision de laisser s’effondrer les banques et sur la rédaction d’un nouveau texte constitutionnel auquel les citoyens islandais et étrangers peuvent participer en débattant et en soumettant leurs propositions via Internet et les réseaux sociaux.
[16] Cf. notamment les propositions politiques de l’association citoyenne La Quadrature du Net dans ce dossier p. 44.